Les crevettes

Elle se souvenait très bien qu’au début, quand il avait commencé à fréquenter le bar, il venait toujours vers midi et demie. Puis, peu à peu, il avait pris l’habitude de passer bien plus tard, vers 13 heures 30, quand elle terminait son service. De s’arranger pour payer juste quand elle allait sortir prendre ses affaires, puis de gagner la rue en même temps qu’elle. Et un jour – quel jour ? elle ne le savait plus, peut-être même n’en avait-elle pas eu conscience alors -, un jour, cela avait commencé, il s’était mis à la suivre, rue Renard, sur le trajet qui conduisait au lycée. Ensuite cela s’était reproduit tous les jours. Comme un rôle qu’ils auraient joué ensemble dans un film bizarre qu’on aurait projeté chaque début d’après-midi. Il passait rapidement au bar où elle lui servait un demi. Il sortait en même temps qu’elle. Et il la suivait rue Renard. Quand elle entrait dans l’impasse où se trouvait le lycée, il revenait sur ses pas, sans se retourner. C’était tout. Il ne se passait jamais rien d’autre. Il la suivait, marchant à quelques mètres derrière elle, sans chercher à s’approcher, sans lui adresser la parole, sur le trajet si bref qui la séparait du lycée. C’était l’affaire de quatre à cinq minutes… et encore… elle marchait si vite, elle courait presque. Parce qu’elle devait tellement se dépêcher pour retourner au lycée. Et aussi, bien sûr, parce qu’il était là, dans la rue, derrière elle, à la guetter.

Pourquoi est-ce qu’il la suivait, comme ça, sans rien dire ? C’était troublant, si éprouvant, c’était un moment pénible, qu’elle redoutait chaque jour… mais est-ce qu’il y avait de quoi faire des histoires ? Non, bien sûr. Ce n’était rien, presque rien, pas de quoi avoir peur ni de quoi se fâcher. Il se passait si peu de choses, rue Renard, après son service au bar, qu’on aurait pu aussi bien dire qu’il ne se passait rien. Vraiment, si elle avait voulu en parler, elle n‘aurait pas su quoi en dire, tout se serait réduit à si peu qu’elle n’aurait pas trouvé les mots…

Seulement elle y pensait. Elle y pensait de plus en plus souvent. Elle y pensait tout le temps. Cela envahissait peu à peu sa vie.

Ce qu’il aurait fallu, c’était arrêter. Ne plus passer rue Renard. Ne plus venir travailler au bar. Mais puisqu’elle ne pouvait pas… elle le savait bien, de toute manière, que les filles comme elles devaient endurer beaucoup de choses, sa mère ne lui avait rien laissé ignorer des circonstances dans lesquelles elle l’avait conçue. Alors… alors, elle y pensait, et dans ses pensées elle tournait en rond, et se cognait aux murs étroits de sa pauvre vie, et cependant s’égarait, comme dans un piège.

C’était pourtant un beau gars, un grand gars brun qui avait des yeux de velours sombre, et s’il lui avait fait la cour comme un autre, peut-être qu’il lui aurait plu, peut-être qu’il aurait vraiment pu se passer quelque chose…

Il avait un joli nom aussi. Il s’appelait Valentin. Enfin, c’était ce qu’il avait dit, quand monsieur Adamo lui avait demandé son nom, au moment de l’inscrire sur le registre des crédits, la première fois qu’il avait demandé un délai pour sa note. Il avait juste dit : « Valentin ». Quand monsieur Adamo avait demandé Valentin Comment ? l’autre avait répondu Valentin Toucourt… et monsieur Adamo avait inscrit « Valentin Toucourt », sans avoir l’air de comprendre. Il était un peu sot, ou naïf, ou imbibé, sans doute, monsieur Adamo…

A ce moment-là, elle s’était dit qu’il était intelligent, vraiment, ce Valentin. Pas comme monsieur Adamo, ni comme les autres clients du bar. Intelligent. Et beau. Enfin, elle l’aurait trouvé beau, à cause de ses yeux si émouvants, s’il n’avait pas été aussi vieux. Mais il avait vingt-cinq ans, au moins… peut-être même vingt-six. Et puis, elle n’aimait pas s’en souvenir, seulement… seulement il y avait ces tatouages sur ses doigts, qui la rebutaient tout à fait. Des tatouages très petits, pas du tout artistiques, même pas des dessins, seulement des lettres, et des lettres maladroitement tracées. A croire qu’il s’était fait ça lui-même avec un couteau et de l’encre. Sur l’avant dernière phalange de quatre des cinq doigts – à l’exception des deux pouces. Les lettres étaient à demi effacées, comme usées. Mais encore lisibles. Cela formait deux mots : L O V E sur les doigts de la main droite, et H A T E sur les doigts de la main gauche. LOVE… oui, on était habitué à ce mot, c’était un mot qui lui plaisait, tous les chanteurs le susurraient à la télé et elle le répétait après eux en minaudant devant l’écran. Mais HATE… pourquoi avait-il aussi écrit HATE ? Elle avait hésité d’abord, s’était demandé si elle ne se trompait pas, parce que de son anglais, elle n’était jamais très sûre. Alors elle avait vérifié dans son livre de classe, pour ne plus avoir de doute… et c’était bien ce qu’elle avait cru. HATE… pourquoi donc ? Les lettres de HATE étaient beaucoup plus usées que celles de LOVE, comme s’il les avait frottées et poncées pour les faire disparaître, si bien qu’elles étaient à peine visibles au bout du compte… mais quand il prenait son bock sur le comptoir, et qu’il commençait à boire, dans la chaleur du bar, on les voyait réapparaître distinctement… LOVE, murmurait, en s’effaçant dans l’ombre, la main droite qui tenait le bock… HATE disait nettement la main gauche lourdement appuyée sur le comptoir, dans la lumière des spots… et elle lui servait sa bière, le coeur battant, en se disant qu’il serait tout à l’heure rue Renard, et qu’il n’y avait aucun autre chemin possible pour se rendre depuis le bar au lycée qui se trouvait enfermé au fond d’une impasse. Aucun.

Souvent des clients intrigués avaient demandé devant elle à Valentin Toucourt pourquoi il s’était tatoué des mots sur les doigts. Il répondait toujours que c’était à cause d’un film qu’il avait vu. Les gens étaient rassurés quand ils entendaient l’explication. Un film, d’accord… il y a toujours de ces films « cultes » qui suscitent des élans étranges, de curieux coups de folie. Elle-même, elle aimait tellement aller au cinéma… et à la télé, elle suivait avec passion certaines séries… elle aurait bien voulu voir elle aussi un film assez fascinant pour qu’elle juge nécessaire de lui sacrifier quelque chose, elle aurait bien voulu le connaître, ce film extraordinaire qu’avait vu Valentin… Mais personne n’avait l’air de le reconnaître, car on ne commentait pas, ensuite. De toute façon, il ne précisait jamais le titre, même quand quelqu’un essayait de savoir.

Quand on se fait tatouer, bien sûr, c’est toujours pour que les gens le voient, à un moment ou à un autre, et qu’ils posent des questions, mais se tatouer les phalanges, y écrire des mots, c’était… oui, c’était différent, c’était comme de vouloir dire quelque chose, tout en ne le disant pas clairement, c’était… vraiment comme dans un film… c’était… en fait, c’était tout à fait bizarre. Evidemment, on comprenait bien que c’était du passé maintenant, ces tatouages, qu’il aurait préféré s’en débarrasser, puisque les lettres avaient été frottées, râpées, presque effacées. A force, les mots finiraient par disparaître, certainement… peut-être pas LOVE… LOVE, ce serait dommage, mais HATE… oui, HATE était déjà si effacé qu’il s’en irait, bientôt. Alors, peut-être, ils avanceraient l’un derrière l’autre rue Renard, elle s’arrêterait bien avant le lycée pour se retourner, il la regarderait de ses yeux sombres emplis d’amour, et…

Tout de même, elle détournait le regard, chaque fois qu’elle lui servait son demi… Et puis il y avait les pouces… enfin le dessous des pouces… on le remarquait moins, forcément, juste quand il payait, et qu’il ramassait sa monnaie… La chair était boursouflée, violacée, comme rongée. Une brûlure d’usine, probable, avait dit une fois monsieur Adamo. Il avait connu un ouvrier qui s’était brûlé le bout des doigts comme ça, sur une barre portée au rouge qu’il avait empoignée par erreur… — Oh, l’usine… un bain d’acide, vous voulez dire… avait protesté monsieur Messaoui en levant la tête de son journal. Il avait apparemment lu quelque chose sur l’acide dans ses faits divers, une histoire de criminel qui s’était plongé les pouces dans l’acide pour en effacer les empreintes… Mais il ne fallait pas faire attention à ce que disait monsieur Messaoui. Il était fou. C’était un drôle de vieux qui s’asseyait toujours à la même table, près du billard, et qui lisait et relisait « Détective » et aussi tout un tas de journaux gratuits qu’il récoltait, en commentant à haute voix. Il s’exclamait sans arrêt en lisant : « Ah! putain !… Ah ! putain !!… c’est pas possible !!  Ah !! Putain !!!… putain, c’est pas vrai !  » Sans se lasser, avec une sorte de plaisir rageur, en lisant tous les détails des histoires sordides de meurtres ou de viols qui infestaient les grandes pages couvertes de photos et de titres aussi énormes qu’atroces. Quelquefois on l’entendait aussi grogner « Ah ! ça, c’est bien… faut reconnaître, c’est vraiment bien », lorsque de temps à autre un article évoquait un bienfait, un sauvetage, ce genre de chose. Mais, évidemment, c’était beaucoup plus rare… « Ouais, l’acide… ! Il y a des criminels qui font ça, l’acide, un bain d’acide, pour effacer les empreintes, qu’on ne puisse plus être sûr de rien… c’est pour masquer leur identité ». Monsieur Messaoui s’était exprimé avec une aisance professionnelle qui avait impressionné monsieur Adamo. « Vous ne devriez pas accepter de lui faire crédit… moi, à votre place… Ah putain !! vous allez pas me croire : il a attaché un parpaing à son petit corps d’enfant, pour qu’il coule ! c’est pas possible ! Ah putain !!!… c’est vrai que quelquefois aussi ils font ça avec des lampes à souder, ou même avec des briquets… ». Monsieur Messaoui venait du Sud, comme monsieur Adamo, et il exagérait tout. De toute manière il était fou. D’ailleurs, il était parti à l’hôpital le soir-même de ses révélations sur l’acide, après avoir eu des visions à son arrêt d’autobus. Il avait fait du raffut, le bus était resté immobilisé devant sa petite silhouette gesticulante qui se battait sur la route avec des ombres. Le Samu psychiatrique était venu, on l’avait embarqué, ça n’avait pas été long. Monsieur Adamo avait expliqué tout cela le lendemain, en vissant plusieurs fois son index sur son front troué d’ancien boxeur. Alors, ce que disait monsieur Messaoui… et puis est-ce qu’on ne pouvait pas reconnaître un homme à bien d’autres choses qu’aux empreintes de ses pouces ? A ses yeux, par exemple. A sa voix. Ou aux rides de sa paume… Annie, qui lisait dans la paume de la main disait toujours que chaque paume est unique, et qu’elle nous écrit un destin, avec ses lignes de vie, de coeur et de tête… et elle s’y connaissait en voyance, Annie, c’était sûr, puisqu’elle avait lu dans sa main, et qu’elle avait aussitôt su, pour sa naissance, et qu’elle lui avait parlé d’un homme brun qui devait croiser sa route – puis de deux lignes cisaillées qui s’entremêlaient, ce qui signifiait « hésitation »…

C’était idiot, complètement, ce qu’avait raconté monsieur Messaoui sur les empreintes, vu que Valentin était tatoué… Cela aurait été absurde, de se plonger les pouces dans l’acide et de ne pas y plonger toute la main, pour arracher les tatouages…

De toute façon, cela lui était égal, de savoir qui était vraiment Valentin Toucourt, de deviner comment il avait vécu, avant. Il n’était pas forcément plus bizarre que les autres clients du bar. Pas plus bizarre que monsieur Messaoui avec ses journaux. Pas plus bizarre que monsieur Feunteün qui avait au moins soixante-quinze ans et s’habillait comme un clochard, mais s’en allait toujours à 12 heures 45 en regardant sa montre, parce qu’il devait aller donner un cours de plongée à 13 heures précises. Même pas plus bizarre que sa mère qui s’envoyait des packs de bière tout les après-midis avec Tony, après être rentrée de chez madame Belz, et avant de repartir le soir nettoyer les bureaux de la SERP.

Elle ne s’intéressait pas à ce Valentin, en réalité. C’était lui qui s’intéressait à elle et qui voulait la connaître. Ou peut-être pas. Puisqu’il ne lui parlait jamais. Qu’il se contentait de la suivre, rue Renard, sur le bref trajet qui séparait le bar de la rue du lycée. Et que cela ne voulait strictement rien dire, n’est-ce pas ? Peut-être qu’il avait quelque chose à faire par là, juste à cette heure, tous les après-midis, pourquoi pas ? Cela pouvait très bien s’expliquer… s’expliquer autrement… peut-être par exemple qu’il allait voir une femme… une femme qui aurait habité rue Renard… juste au bout de la rue… et il aurait à chaque fois rebroussé chemin parce qu’elle lui faisait signe que non, qu’il ne fallait pas venir… De toute façon, à quoi bon y réfléchir ? S’il avait jeté vraiment son dévolu sur elle, elle lui échapperait difficilement, elle le savait bien. Alors autant ne pas se ronger les sangs, autant faire sa vie avec son destin, comme disait sa mère.

Non, elle ne s’intéressait pas à lui puisqu’il lui était indifférent qu’il soit bon ou méchant, beau ou laid. Elle ne s’intéressait pas à lui. Mais elle pensait à lui. En y réfléchissant, il lui semblait que ce devait être son projet, justement, à ce Valentin, en se postant toujours sur son trajet, de l’obliger à penser à lui. Une façon comme une autre de rentrer dans sa vie, d’établir une emprise.

Après tout, on ne pouvait interdire à personne d’emprunter la rue Renard entre 13 heures 45 et 15 heures… Monsieur Adamo s’était aperçu du manège, elle en était sûre, à force de regarder la rue à travers la baie vitrée, mais il n’avait jamais rien dit. A peine s’il venait de temps à autre jeter un coup d’oeil sur le pas de sa porte. C’était un client, pour lui, ce Valentin Toucourt, même s’il payait si souvent en retard. Il ne fallait pas compter sur monsieur Adamo… Et si elle l’avait raconté à sa mère, ce qui se passait, si elle lui avait tout raconté ? Si elle lui avait expliqué pourquoi il fallait arrêter de l’envoyer servir au bar… Elle aurait peut-être fait quelque chose, tout de même, elle, sa mère ? Oui… elle aurait écouté un peu, puis elle aurait parlé, parlé… elle aurait dit et redit qu’il fallait se méfier des hommes, surtout de ceux qu’on rencontre dans les bars. Qu’elle ne l’aurait jamais eue, elle, la gamine, si elle avait su à quel point il fallait s’en méfier, si elle n’avait pas été aussi confiante, autrefois. Sans aucun doute, si elle avait seulement essayé d’aborder le sujet, sa mère se serait mise à parler, à parler, puis à pleurer, et à boire, et à pleurer encore.  Et à parler encore, d’elle-même, toujours d’elle-même… et à geindre qu’il la tenait, ce sale bonhomme, Adamo, par l’alcool…

Alors… si elle en avait parlé au lycée ? Mais en parler à qui ? aux filles de la classe ? C’était à peine si elles lui adressaient la parole. Et même, qu’est-ce qu’elles auraient compris ? Autant parler à cet idiot de monsieur Blais, le professeur principal… ou à cette absurde psychologue qui l’avait convoquée, une fois. Ou encore à la CPE qui inscrivait dans son carnet de correspondance toutes sortes de messages rageurs qu’elle signait elle-même aussitôt, en imitant la signature de sa mère… Cela n’aurait eu aucun sens.

D’ailleurs, qu’est-ce qu’elle y comprenait, finalement ? Est-ce qu’elle le savait, ce qu’il voulait, ce Valentin ? Il ne lui parlait jamais, ni au bar où il se contentait de commander son bock et de payer, ou de faire inscrire sa note, ni dans la rue où il se tenait toujours silencieux. Il sortait en même temps qu’elle, il marchait derrière elle. Voilà tout. Quatre ou cinq minutes. Jamais un mot. Juste cette brève présence, chaque jour, pour confirmer son emprise, pour lui faire battre le coeur. Qu’est-ce qu’il y avait à en dire ? Puisqu’il ne se passait rien, presque rien. Et que c’était sa faute, aussi, si elle pensait à lui comme une sotte, juste parce qu’elle savait qu’elle le trouverait chaque début d’après-midi sur le chemin du lycée. Alors qu’elle n’avait qu’à l’effacer de ses pensées, pour que vraiment il ne se passe plus rien. Qu’elle aurait même pu prendre sur elle. Se retourner et lui dire fermement de partir. De ne plus chercher à la suivre… Et que si au lieu de cela elle le laissait faire, on pouvait bien dire que c’était sa faute… C’était ce que les gens prétendraient, à coup sûr, si elle s’avisait de raconter… qu’elle l’encourageait… que c’était bien de sa faute… Pourtant, non, non… elle essayait de se dégager… elle ne consentait à rien, puisqu’elle fuyait… Oui… elle fuyait, mais ensuite, dès qu’il avait disparu, elle pensait à lui.

Si bien qu’au fond, c’était avec lui, avec ce Valentin, qu’elle passait sa vie, sa vie entière. Mais comment expliquer des choses pareilles ? Cela n’avait aucun, aucun sens.

Elle ne travaillait pourtant au bar que pour le service de midi. Pour remplacer un peu Annie, l’amie de monsieur Adamo, qui avait eu un cancer et qui devait faire des pauses, maintenant. Le reste du temps, elle allait au lycée comme les autres filles de son âge. Enfin au LEP, bien sûr, car l’autre lycée… ce n’était pas pour elle. Elle serait sûrement dans le nettoyage plus tard, elle suivrait les traces de sa mère, mais pour l’instant, elle préparait son BEP chômage… BEP chômage, évidemment, c’était une façon de parler des filles de la classe, officiellement c’était un BEP secrétariat… Mais on savait bien que. Du reste dans cette petite ville, plus personne n’avait d’illusion. Le bar, c’était comme tout, c’était du provisoire… puisque Annie allait se remettre…. juste un petit boulot le temps de dépanner sa mère. Au noir, bien sûr, puisque de toute façon elle n’avait même pas ses seize ans. Et bénévole, enfin pour ainsi dire, si on ne comptait pas les billets de cinéma. Seulement… pas moyen d’arrêter pour autant. Monsieur Adamo connaissait sa mère, c’était ça le problème, elle avait fait des dettes chez lui, sa mère, de grosses dettes, son nom était inscrit à toutes les pages du registre de crédit… alors ils s’étaient entendus tous les deux, c’était comme ça que ça s’était fait. Et il avait fallu qu’elle vienne remplacer Annie tous les midis, elle, Vanessa… enfin Eva…

Monsieur Adamo l’appelait toujours Eva, comme sa fille, parce que comme ça, disait-il, si on avait une dénonciation, il pourrait dire qu’elle était sa fille, sa gentille fille qui venait pendant sa pause de midi pour donner un coup de main… Après tout, c’était supportable, ces heures de bar, personne n’aurait pu y trouver à redire, même si elle n’avait pas l’âge… elle venait, elle se laissait appeler Eva, elle servait des bières ou des portos à des clients bizarres, rien de plus. Un petit boulot bien moins dur que les ménages, comme lui avait plusieurs fois fait remarquer sa mère. Et elle ne travaillait pas très longtemps, juste de midi et quart à deux heures moins le quart. Mais c’était difficile pour le lycée. Elle devait se débrouiller pour revenir en classe à l’heure, ou trouver un motif pour sécher si un cours avait lieu entre midi et deux. Elle risquait bien de le rater, à la fin, son BEP chômage. Pas vraiment le choix. C’était ce qu’elle n’avait jamais pu expliquer à la CPE toutes ces fois où elle l’avait convoquée parce que monsieur Blais s’était plaint de ses retards. Tout n’était pas bon à dire, et mieux valait ne jamais perdre une occasion de se taire, c’était une chose qu’elle savait depuis longtemps.

D’ailleurs, pour le silence, elle était une spécialiste.

C’était un point commun qu’elle avait avec Valentin Toucourt, au moins.

Elle aurait tout de même pu lui dire qu’elle ne s’appelait pas Eva, qu’elle s’appelait Vanessa, en réalité. Oui, cela aurait été possible, une fois ou deux, de le lui dire, quand monsieur Adamo était à distance, et qu’il n’y avait pas d’autres clients, mais non, elle ne lui avait jamais dit la vérité. Qu’elle n’était pas la fille de monsieur Adamo. Qu’elle s’appelait Vanessa, en réalité, pas Eva.

C’est qu’il avait une façon de dire : « Un demi, Eva »… une façon de prononcer ce nom, Eva, comme s’il était… comme si… comme si ç’avait été le plus intéressant, en elle, ce nom… Eva… D’ailleurs c’était sans importance. Eva ou Vanessa, c’était pareil. Ça se ressemblait, même, si on voulait… puisque dans Vanessa, il y avait Eva… Et puis la réalité, c’était sans importance aussi. Puisque rien ne semblait réel, dans cette histoire sans consistance qu’elle avait avec lui.

Comme il n’avait pas l’air d’un gars qui travaille, ce Valentin, un jour monsieur Adamo, pris d’un doute, avant d’inscrire encore son nom dans le registre, lui avait demandé ce qu’il faisait, dans la vie, pour la gagner, sa vie. Ou plutôt pour la perdre, avait répondu Valentin Toucourt. Mais monsieur Adamo ne s’était pas laissé décontenancer. Alors Valentin Toucourt avait expliqué qu’il était pêcheur de crevettes. Ça donnait bien, les crevettes, et ça se vendait cher à la Criée du port. Un métier d’homme libre, au moins, pas d’autre patron que la mer, il avait ajouté. Il travaillait n’importe quand, le matin, le soir, en pleine nuit souvent, n’importe quand, à la marée remontante ou à la descendante, il s’adaptait, pas d’autre patron que la mer, je vous dis. Et monsieur Adamo avait hoché la tête d’un air d’approbation, avant d’inscrire sur le registre, une fois de plus, le nom de Valentin Toucourt

C’est à ce moment-là qu’elle avait commencé à trouver qu’il lui plaisait, finalement. La façon dont il avait dit: « Ou plus tôt pour la perdre…  » et : « Pas d’autre patron que la mer »…  et encore « à la marée remontante ou à la descendante »… c’était bien, c’était beau. Elle y avait pensé sans arrêt, ensuite, et elle avait commencé à chantonner des chansons d’amour qu’elle avait entendues à la télé où elle glissait son nom. C’est comme ça qu’elle en était venue peu à peu à imaginer que peut-être elle l’aimait un peu. A cause de ces chansons qui lui venaient à l’esprit quand elle pensait à lui. Et du bonheur qu’elle avait à dire « Valentin »… « Va-len-tin… »

Elle ne se lassait pas de l’imaginer en pleine mer, sous les étoiles, haut et droit, à bord d’une mince barque sombre. Un homme libre, qui savait affronter la mer.

Pas un maçon comme Tony, le petit ami de sa mère. Pas un gamin comme les petits copains de ses copines. Un homme libre, qui vivait de la mer avec laquelle il luttait. Un marin.

Il y avait bien quelques externes qui les avaient vus ensemble, rue Renard. Quand les filles de la classe l’avaient interrogée, elle avait dit que c’était son grand frère… Ah, son grand frère, tu parles ! Comment qu’il courait derrière elle, comment qu’il la regardait ! Si vous aviez vu ! Mais elles n’avaient pas insisté, parce qu’après tout elles s’en fichaient.  Elle avait toujours été un peu isolée. Très solitaire, avait dit monsieur Blais d’un air inquiet, lors d’un conseil de classe.

Elle se souvenait très bien de cette psychologue qui l’avait convoquée, à la fin du premier trimestre, pour qu’elle lui expose ses problèmes, qu’elle explique pourquoi elle était aussi seule. Car ce n’est pas habituel, d’être aussi solitaire. Horrible. Elle avait bredouillé que c’était sûrement à cause de ses vêtements. La dame l’avait regardée avec une compassion épouvantable, et avait dit qu’on en distribuait de presque neufs au secours municipal… mais qu’il devait y avoir autre chose, forcément…

Alors elle avait vu, comme on voit dans les hallucinations, dans les cauchemars, comme s’ils s’étaient transportés là, dans ce bureau calme et bien rangé où on l’avait fait venir, elle avait vu les murs noircis du pavillon, le visage creusé de sa mère, les bras noueux de Tony en sous-vêtements, l’odeur de la bière et du mauvais vin, toute la misère de sa vie, répandue comme les casseroles sales et les bouteilles vides, sur la table, sur le sol, sur la télé toujours allumée. Et elle avait dit à la dame : « Non, non, c’est juste à cause de mes vêtements » —Vanessa, avait dit la dame, Vanessa, tu peux me faire confiance… » Alors elle avait ajouté : « … à cause des vêtements, et aussi parce que je m’appelle Eva, alors qu’en fait c’est Vanessa, et que c’est, que c’est… très… très compliqué…. »

Et elle avait bien senti, à la façon dont la dame l’avait regardée, qu’elle n’avait pas du tout arrangé son cas.

Peu de temps après, l’infirmière, qui l’avait à son tour convoquée, avait découvert qu’elle souffrait d’insomnies, qu’elle était épuisée. Elle avait téléphoné à sa mère. Elle était restée trois jours chez elle, à s’ennuyer, à supporter Tony et la bière, sous prétexte qu’elle devait se reposer. Et à se demander si elle parviendrait à revenir, ensuite.

Et puis voilà, elle était revenue, et c’était arrivé.

Juste le jour de son retour au bar. Il avait couru plus vite qu’elle, il lui avait barré la rue…

Ils étaient allés à pied jusqu’à la mer. Ils étaient restés longtemps debout l’un près de l’autre, silencieux, sur la jetée. On était en janvier et le ciel pesait sur l’horizon de tout son poids de nuages et de tempêtes. Il y avait eu cette vague si haute qui s’était abattue comme un mur devant eux.

Elle avait eu peur et elle lui avait pris la main. La main droite, celle qui disait LOVE. Alors il l’avait serrée entièrement dans ses bras, fortement, avec ses deux mains, avec ses pouces rongés. Elle avait évité de regarder. Puis il avait dit : « Eva… E-va… » Et quand il avait voulu l’embrasser, elle s’était débattue. Il l’avait laissée s’enfuir, elle était remontée jusqu’au lycée, courant à perdre haleine, puis elle s’était effondrée devant la grille, et elle s’était mise à pleurer.

Ensuite… ensuite, il n’était pas revenu. Monsieur Adamo avait pesté. Il était allé voir à la Criée, si quelqu’un savait, et comme on lui avait dit qu’on ne le voyait plus, ce gars bizarre qui proposait juste quelques seaux de petites crevettes des marais, il avait fini sa tournée au commissariat où il voulait porter plainte pour grivèlerie contre le nommé Valentin Toucourt. Les policiers lui avaient ri au nez, évidemment.

Ç’avait été un apaisement. Elle avait cessé de penser à lui sans cesse. Même elle avait presque cessé de penser à lui. Et elle avait repris goût à son travail au bar. En classe aussi, elle commençait à se plaire, elle parlait à une ou deux filles qui acceptaient de s’asseoir à côté d’elle, et monsieur Blais l’avait complimentée pour ses progrès. Mais il lui était resté une sorte d’inquiétude indécise. Quand elle marchait, par exemple, elle ne pouvait s’empêcher de se retourner, brusquement, sans raison. Elle avait toujours l’impression que quelqu’un la suivait. Une fois, alors qu’elle était partie un soir, sur le scooter des voisins, à la campagne, chez sa tante dont elle gardait quelquefois les enfants, elle avait été doublée par une camionnette taguée qui s’en allait vers les marais. L’homme qui la conduisait lui avait fait un appel de phare… et elle avait été tellement sûre de le reconnaître qu’elle avait dû s’arrêter, incapable de maîtriser le scooter. Alors la camionnette s’était arrêtée, elle aussi, là-bas, sur le bord de la route. Elle avait redémarré le scooter, et roulé aussi vite qu’elle l’avait pu jusqu’à la maison de sa tante, qui était heureusement toute proche.

C’était en février qu’elle avait eu ses seize ans. Le 14. Ce jour-là, monsieur Messaoui était assis à la petite table près du billard devant un bouquet de fleurs qu’Annie lui avait offert le matin. Il venait de sortir de l’hôpital, mais il n’avait pas l’air d’aller beaucoup mieux qu’avant. En tout cas, il commentait toujours les nouvelles à haute voix. « Ah ! putain ! putain, c’est pas vrai !! putain !!! c’est pas possible !  » Et les « Ah putain » se multipliaient, de plus en plus consternés, horrifiés, bientôt tragiques. Car on racontait dans tous les journaux, ce jour-là, en détail et avec photos, l’histoire de cette fille de Guérande qui s’appelait Eve-Marie, qui avait disparu le mois précédent, et qu’on venait de retrouver, coupée en trois morceaux jetés chacun dans un trou d’eau différent, dans les marais salants.

Au lycée elles en parlaient toutes. Certaines, qui venaient de Guérande en car, connaissaient la fille, et ajoutaient des détails effroyables.

Le soir, à la sortie du lycée, il était là. Elle avait fermé les yeux pour que cela ne soit pas. Elle avait pensé : « Non », mais quand elle avait rouvert les yeux, c’était bien lui qui était là. Dans une vieille camionnette taguée qui proclamait en grandes lettres rouges FMR, sur son côté droit, et ORIBL, sur son côté gauche. Il s’était garé juste devant le gymnase, comme s’il avait su qu’elle allait sortir par là, parce que c’était justement le jour où le cours d’EPS avait lieu en dernière heure. Elle n’aurait pas pu s’expliquer pourquoi elle était venue jusqu’à la camionnette, ni pourquoi elle était montée près de lui sans hésiter, et s’était assise avec aisance sur le siège avant, en calant son sac d’école sous ses pieds. Ni pourquoi elle avait elle-même refermé la portière.

Il l’avait emmenée sur le port, dans un café qu’elle ne connaissait pas. Et là – mais pourquoi, pourquoi donc, elle qui avait toujours été une spécialiste du silence, elle qui savait depuis toujours qu’il ne fallait jamais perdre une occasion de se taire ? –  elle avait bavardé. Elle avait dit que c’était son anniversaire, qu’elle avait seize ans. Le jour de la Saint-Valentin justement, comme c’était drôle, en y repensant…

—Ouais, avait-il répondu sobrement. Il avait levé vers elle ses yeux si… beaux… ses yeux si… sombres.

Et elle s’était mise à trembler, sans raison.

Alors, pour qu’il ne remarque rien, et parce qu’il se taisait toujours en la regardant, et qu’elle commençait à avoir vraiment peur, elle avait dit, bêtement, parlant pour parler, très vite, que puisque c’était son anniversaire, il allait devoir lui faire un cadeau. Et qu’elle lui en ferait un ensuite à son tour, parce que c’était sa fête.

—C’est juste, un cadeau, il faut un cadeau. Qu’est-ce que tu veux, toi, E-va ?

Et de plus en plus bêtement, affolée par l’angoisse, elle lui avait demandé de l’emmener pêcher avec lui.

—Si c’est ce que tu veux… Moi, je te le dirai tout à l’heure, ce que je veux, Eva… Il avait dit cela avec tant de tendresse qu’elle s’était tout à fait rassurée.

Ils étaient remontés dans la camionnette, ils avaient quitté la ville, avaient roulé dans des petits chemins obscurs, puis s’étaient arrêtés en plein bois, devant une caravane couverte de mousse et de feuilles mortes. Il était descendu seul. Quand elle avait voulu ouvrir la portière, pour se dégourdir un peu les jambes, elle s’était aperçue qu’elle était verrouillée. Et elle avait eu peur de nouveau. Il était revenu avec un grand panier d’osier, et une vieille lampe-tempête qui sentait le pétrole, qu’il avait placée toute allumée entre eux deux. Puis il avait redémarré, et elle avait très bien entendu cette fois le claquement sec du système de verrouillage des portes. C’était vraiment comme dans un film, et finalement, ça aurait pu être intéressant, si ça n’avait pas été aussi terriblement étrange. Il conduisait bien, vraiment, il avait une sorte d’élégance dans sa façon de tourner le volant, de passer les vitesses… ils auraient pu rouler ainsi jusqu’à Venise, jusqu’à Capri…

Mais il s’était arrêté après quelques kilomètres. Ils étaient arrivés dans les marais salants.

Ils étaient descendus. Il avait sorti le grand panier d’osier. Il lui avait confié la lampe-tempête… et il lui avait dit de marcher devant. Ils s’étaient avancés l’un derrière l’autre un moment sur un chemin de sable, jusqu’à un grand bassin.

Là, il avait installé son matériel.

—Te fais pas de souci, la nuit, personne vient, ici. On risque pas de nous voir… Et on est tranquille aussi du côté des mouettes et des goélands… on aura du silence… Mais dis-donc, t’as  froid, toi… tu trembles… t’es pas assez couverte… tu t’habilles jamais comme il faut…

Du panier il avait sorti une couverture qu’il avait posée avec délicatesse sur ses épaules grelottantes, et de drôles de pièges en tôle et en grillage, tout ronds, qu’il avait attachés avec de la ficelle et qu’il avait disposés sur le sol, les uns à côté des autres.

—Des balances… on appelle ça comme ça… on peut en trouver à la coopérative, mais celles-là, c’est moi qui les fabrique… je sais m’y prendre…

Puis il avait sorti du grand panier un seau de plastique sale… elle ne parvenait pas à voir ce qu’il y avait à l’intérieur.

—C’est juste des morceaux de poisson, t’inquiète pas. Pour les attirer. Elles se méfient d’abord, quand elles voient le grillage, mais il y a l’appât, ça fascine, ça endort la peur… alors elles se méfient plus, elles entrent, et hop, elles se prennent dans le piège.  Hop ! – Clac !

Il expliquait si calmement, si patiemment, si posément, si drôlement aussi, qu’elle se sentait bien, avec lui, dans ce coin de marais, sous les étoiles. Une lune très ronde brillait pour eux, pure et glacée, dans le ciel piqué d’astres, et l’eau noire clapotait doucement dans le grand silence de la nuit.

Ils s’étaient assis un moment l’un près de l’autre, sur un tas de sel effondré qui luisait sous la lune. Il avait étalé sur le sel une sorte de toile cirée, pour lui épargner l’humidité, puis il avait réchauffé ses mains dans les siennes.

Il lui avait expliqué des noms d’étoiles, là-haut. Elle avait raconté, à son tour, pour la barque… comment elle avait rêvé qu’il s’en allait en barque sur la mer, et qu’ils iraient ensemble…

Il avait ri.

—Ah, la barque, j’aimerais bien, mais j’en ai pas. Pas les moyens. T’as raison, on aurait été bien tous les deux là-bas, sur l’océan, dans la nuit… une balade romantique… au clair de lune… ouais…

Et il avait essayé de l’embrasser. Mais elle l’avait repoussé, doucement cette fois, puisqu’elle n’éprouvait plus cette crainte qu’elle avait eue autrefois sur le port, cette crainte idiote… Il avait juste haussé les épaules, puis il était revenu vers les balances. Et il avait commencé à les garnir méthodiquement avec les tranches de poisson.

A la lueur de la lampe, on voyait sur ses doigts rapides s’agiter distinctement les lettres tatouées. LOVE HATE, HATE LOVE VAL LOVE EVA… Il attrapait avec une sorte d’hameçon les morceaux de chair sanguinolents, et il les disposait soigneusement. VAL HATE EVA. Il y avait même une tête à demi pourrie, avec ses deux yeux morts. Elle avait imaginé les crevettes, s’approchant lentes et craintives, puis s’enhardissant, fascinées par ces yeux… et enfin enfermées dans le filet qui se resserrait…

—Quand tout est bien prêt, je descends les balances. Tu vas voir comme ça mord bien… C’est qu’elles grouillent là dedans… elles s’ennuient… elles attendent… elles appellent… t’entends pas, toi… mais moi, je sais, je les entends… J’envoie la balance, j’attends qu’elles viennent, et quand je sens que c’est bon, je remonte… j’attends autant qu’il le faut… je suis patient, elles donnent toujours dans le piège… j’aime bien ça, tu sais, Eva, monter des pièges…

Et soudain tout avait été tellement net. Aigu comme l’hameçon qui s’enfonçait dans les yeux des poissons. Soudain, elle avait compris que jusque-là elle n’avait pas connu la peur. La peur. La vraie. Celle qui ne vous laisse aucune chance.

Mais déjà une main lui serrait le poignet. Elle s’était demandé si c’était la main HATE ou la main LOVE, mais cela n’avait plus aucune importance.

—Où tu veux t’en aller, Eva ? Tu partiras plus, maintenant que t’es venue jusqu’ici… t’es ici avec moi pour la nuit, c’est la Saint-Valentin… tu sais bien, Eva… E-va…

Alors elle avait eu de nouveau cette impression d’irréalité, elle avait renversé la lampe en essayant de se dégager, et elle avait hurlé : « Non ! Non, ce n’est pas vrai ! Pas Eva ! Je m’appelle Vanessa ! Pas Eva, Vanessa ! »  Puis elle avait senti ses pieds glisser sur un paquet d’appâts visqueux, une fraction de seconde avant la chute…

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6 commentaires pour Les crevettes

  1. jill bill dit :

    Bonjour Carole… Quelle hisoire, pu…….. Tu es douée pour nous les conter !

  2. almanitoo dit :

    Un récit qui tangue entre peur et désir, amour et haine sur la galère du désespoir….
    Terrible et beau!

  3. Je suis fascinée moi aussi.. prise au piège de tes mots.. le cœur battant la chamade !!

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