La fille

Mes parents ont longtemps eu deux fils.

Pendant seize ans, pour être tout à fait précis.

Jusqu’à cette nuit d’hiver où mon frère ivre a lancé sa voiture ivre sur le mur récemment reblanchi d’une maison du village. Il était quatre heures du matin, mon frère sortait du Stars, la boîte de nuit qu’il fréquentait les samedis soirs. Le mur d’un blanc très pur que ses phares avaient éclairé soudain dans la nuit glacée avait dû lui apparaître comme une cible ou comme un horizon. Comment savoir ? Avec l’alcool et la drogue qu’on a retrouvés dans son sang, tout est possible et nul ne peut savoir s’il est mort dans la rage ou l’extase. La seule chose certaine, c’est que la vieille 205 blanche qu’il avait héritée de notre grand-père s’est fracassée sur le mur fraîchement repeint. Que le blanc lumineux du crépi s’est teint de grandes étoiles noires et rouges de fumée et de sang. Que les pompiers sont arrivés trop tard et n’ont pu que constater qu’il était trop tard.

Et que, depuis cette nuit où le maire est venu sonner à la porte et où mon père s’est levé pour ouvrir aux ténèbres, jusqu’à l’après-midi d’été ensoleillé où la fille est entrée dans leur vie, mes parents n’ont plus eu qu’un enfant.

Lui.

J’avais seize ans quand mon frère est parti – comme ils disent.

J’en ai vingt maintenant, et cela me surprend toujours qu’on puisse s’exprimer si sottement, si étourdiment. Car qui pourrait mieux que moi le savoir, que je ne fais que les emprunter à mon tour, ces vingt ans que lui seul aura toujours mais que je devrai, si je vis plus que lui, rendre ride après ride et cheveu blanc après cheveu blanc au temps impitoyable des vivants ? De ces vingt ans qu’il possède pour toujours, lui, que pouvais-je attraper, moi le vivant, sinon cette jeunesse d’emprunt qui m’habille aussi mal qu’une veste trop grande ? C’est sans doute ce qui a détourné de moi leurs regards et leur pensée. Que j’aille ainsi mon chemin d’humain, terne et flottant dans mes vingt ans d’emprunt, quand lui rayonne et irradie dans sa mort éternelle.

Oh, je l’ai pleuré, mon frère. Autant que mes parents. Bien plus qu’eux. Car moi, contrairement à eux, je n’ai pas su faire mon deuil – comme ils disent. Car moi, la lucidité, la froide lucidité, à moins que ce ne soit au contraire ce sentiment trouble et néfaste qui me prend au coeur chaque fois que je pense à lui – et j’ai si constamment pensé à lui, durant ces quatre ans – m’empêche d’oublier qui il était vraiment.

Voilà pourquoi mes parents ont vécu ces années terribles comme s’ils n’avaient plus eu qu’un fils, et que ce fils qui leur restait n’était pas moi, le survivant, mais l’autre, le mort.

N’allez pas croire qu’ils m’aient repoussé ou qu’ils aient eu le moindre tort envers moi. Non, un observateur extérieur n’aurait rien pu déceler, et eux-mêmes n’en ont jamais rien su, tout s’est produit de façon si invisible, si subtile…  Depuis quatre ans que mon frère est mort, je vis toujours chez eux, à défaut de vivre avec eux, et nous formons, c’est du moins ce qu’ils se plaisent à dire, une famille unie dans l’adversité

Peut-être que le malheur unit, en effet. 

Peut-être aussi qu’il défait subtilement, par en-dessous, dans le fond obscur des consciences, ce qu’il a fait semblant de réunir.

Et peut-être est-ce ainsi que nous sommes unis. Liens serrés indénouables sur tant de déchirures invisibles.

Unis dans l’adversité. Ils ont raison, finalement, pour une fois…

J’étais lycéen quand il est mort, me voici étudiant – excellent étudiant, car faute d’avoir réussi à faire mon deuil j’ai voulu réussir. Réussir tout court, ce qui bien entendu n’a strictement aucun sens. Qu’aurais-je bien pu reprocher à mes parents ? Ils n’ont que peu de moyens, mais ils ne m’ont rien refusé, ils ont fait ce qu’ils ont pu. Ils ont payé mes frais universitaires, ils m’ont nourri, ils m’ont blanchi. Il est même probable qu’il leur est arrivé de m’admirer, quand mes succès se sont imposés à eux, mais de loin, comme ils auraient admiré l’enfant d’un autre couple. Car au fond d’eux-mêmes, ils ne pensaient qu’à lui, ne pouvaient voir et admirer que lui, le mort. Moi, j’avais beau tenter de les éblouir, ils m’avaient relégué dans l’ombre, au bord de leur existence d’endeuillés passionnés. Je les gênais, vous comprenez, forcément, je les gênais, avec ma lucidité toujours en éveil, mon incapacité radicale à entrer dans ce qu’ils appelaient leur deuil et qui n’était qu’un récit qu’ils faisaient ensemble comme on fait parfois, à deux, un roman. Alors ils avaient préféré me pousser, sans y penser, sans rien en savoir eux-mêmes, dans cette zone grise où il est plus simple de laisser glisser ceux qu’on doit continuer à côtoyer, quand on ne peut plus partager avec eux l’essentiel. Je ne me plains pas, de quoi pourrais-je me plaindre ? Je suis seulement ce genre de personne qui observe, qui analyse et qui mesure, et qui se défie des illusions. Eux… je ne leur en veux pas. Ils ont eu tant à faire pendant ces quatre années…

Si vous saviez… Si vous aviez vu comme ils s’y sont affairés, dès les premiers moments, et à tous les instants de ces quatre longues années, à ce deuil qu’ils ont fait comme personne.

Le rapport d’autopsie, d’abord. Une épreuve qu’on aurait pu croire insurmontable. Car il y a eu une autopsie, bien entendu. Mes parents n’ont pas pu éviter cette intrusion du scalpel et de la seringue dans le corps de leur fils, cette mise à nu de sa chair et, surtout, de sa vie. De sa dernière nuit de vie. Des autres aussi, de tant de nuits oisives et dépravées qui avaient agité sa jeunesse gaspillée, et qui s’étaient irréfutablement inscrites dans l’état de son foie, dans les cellules viciées de son sang. La médecine légale est impitoyable, sèche comme la vérité.

Tous ces grammes d’alcool et de cocaïne, sa dernière nuit de défonce, ses dernières semaines de fêtard, imaginez comme ce fut difficile, imaginez comme ils se sont attelés, de toutes leurs forces, à digérer, à remâcher, à ruminer, à filtrer, à transmuer tout cela… Imaginez, imaginez ce que ce fut, ce labeur d’alchimiste, ce long effort pour sublimer les sèches et insupportables évidences du rapport d’autopsie.

Des mois, des années de petits mensonges accumulés devenant peu à peu certitudes. Pour que cette mort ressemble enfin à ce qu’elle devait être : un coup du sort, une intervention sacrée du destin qui mène à la mort les meilleurs des humains – et non à ce qu’elle était : la conséquence logique d’une existence absurde d’inconscience et d’excès.

Mais cela ne pouvait suffire. Remontant en arrière, ils se sont résolument appliqués, jour après jour, à tout récrire.

De la vie de mon frère, ce garçon un peu difficile – comme ils disaient autrefois – qui leur avait posé tant de problèmes qu’ils avaient toujours voulu nier, il leur a fallu extraire l’hagiographie. Ils y ont employé toute leur énergie.

Comme les chenilles fabriquent leur chrysalide avec le fil dérisoire qu’elles enroulent patiemment, pour lancer dans le ciel un papillon ardent, ils ont lentement, pièce à pièce, détail réinventé après détail réinventé, fabriqué le récit qui lui permettrait de monter jusqu’au ciel des bons morts. Un long et finalement remarquable travail, car mon frère – ne croyez pas que je dise cela par indifférence : j’aimais mon frère autant qu’on peut aimer un frère, je l’aimais plus que tout – mais mon frère était tout sauf cet être éthéré au halo rayonnant qu’ils avaient décidé de ranger pour toujours dans le petit reliquaire de leur mémoire.

Pas forcément un mauvais garçon. Mais certainement un paresseux. Un don Juan de boîte de nuit. Un buveur de bière et de vodka. Un cancre. Un fumeur de joints. Un bon à rien, si vous voulez.

Renvoyé de deux lycées. Echoué sans son bac sur les bancs d’une école privée ruineuse qui n’avait pas même consenti à lui vendre son diplôme.

Je vous entends déjà me dire que je suis sévère, qu’il ne faut condamner personne, et qu’un jeune bon à rien peut devenir un vieux de valeur. Certes, seulement il n’est rien devenu, lui. 

Mais eux, incapables d’accepter la vacuité de ce mur sur lequel tout s’était définitivement écrasé en lettres de sang, de fumée, d’alcool, de drogue et d’inconscience, ils ont tout récrit. Tout, je vous dis. L’enfance, l’adolescence. La jeunesse. Les erreurs et les frasques de celui qu’ils n’appelaient plus que l' »écorché vif », vantant son hypersensibilité, créant, de la seule force de leur imagination, cette générosité fatale qui avait fait de lui, si souvent, la victime innocente d’amis dévoyés, de filles à la morale légère…

Vous comprenez cela… ? oh oui, bien sûr que vous comprenez, vous en connaissez tous, des parents comme eux… vous-même, peut-être, vous êtes semblable à eux. Il n’y a rien là que de banalement humain.

Mais moi, est-ce que vous me comprenez, moi, est-ce que vous le comprenez, ce mélange trouble en mon esprit malade, de rancoeur et de révolte ? Tantôt je les détestais de m’avoir effacé pour qu’il brille davantage dans leur firmament. Tantôt je les détestais parce qu’il était mort. Il me semblait que c’était à cause d’eux qu’il était mort. A cause de cette incapacité à affronter le réel qui les avait empêchés de comprendre sa dérive et de lui opposer la force d’un amour juste. A cause de leur incapacité à dire quoi que ce soit de vrai, il avait choisi le mauvais chemin, le chemin obscur et sans direction qui ne pouvait que le conduire au mur. Cette illusion de la perfection de mon frère, c’était aussi l’illusion de leur propre perfection de parents, je m’en rendais trop bien compte. Mensonges, mensonges, les mots tissaient les mensonges et nous engluaient tous. Pourquoi étaient-ils incapables de ne pas se mentir ?

Et toujours je me détestais de les détester. Car qui d’autre qu’eux, qui aimaient mon frère mort, aurais-je pu aimer ? Car moi aussi je ne savais que me mentir : je les aimais, je les aimais, désespérément – comme je l’avais toujours aimé.

Oh, j’ai tort, j’ai honte de vous infliger le récit de mes angoisses, de mes tourments inavouables ! Qu’importent les confessions ? Qu’importent les détails ?  

.

Ce qu’il faut que vous sachiez, et cela suffira, c’est simplement l’atmosphère de « la maison », avant l’après-midi où la fille a téléphoné. L’ambiance reliques-et-mausolée dans laquelle nous croupissions.

Au-dessus de la cheminée du salon, la photo agrandie de mon frère triomphant sur ses skis – c’était un sportif, lui, contrairement à moi.

Sur le buffet du salon, la photo de mon frère enfant, blondinet souriant et charmant photographié avec son ours en peluche dans un décor floral par Ch. Finet, le photographe au ventre rebondi qui passait chaque printemps à l’école primaire du village.  

Au-dessus du piano du salon, dans un cadre doré, la photo de l’audition de mon frère, celle où son professeur l’avait présenté, à dix ans, comme un petit prodige, avant qu’il décide d’arrêter les cours, un matin où il n’avait pas voulu se lever.

Sur le piano du salon, jaunie et gondolée par le soleil, constellée de fientes de mouches, la méthode de piano de mon frère, ouverte pour toujours à la page de la fameuse audition.

Dans le couloir du rez-de chaussée, sur le grand porte-manteau, le blouson de cuir de mon frère – le dernier qu’il avait porté, celui qui dessinait si bien ses épaules de play-boy.

Au fond du couloir du rez-de-chaussée, la chambre de mon frère. Rideaux toujours tirés pour maintenir une pénombre propice au souvenir. Un musée. Toutes les époques de sa vie exposées là, les jouets de l’enfant au milieu des posters de l’adolescence et des disques de sa jeunesse – ceux qu’il écoutait fenêtres ouvertes, la nuit, buvant et fumant ses joints en embrassant ses copines, au grand dam de tout le voisinage.

Et cette façon qu’ils avaient de réserver dans chacune de leurs paroles et de leurs actions, même les plus ordinaires, un espace pour lui seul, un petit coin pour son fantôme. D’acheter du poulet tous les samedis pour le cuisiner aux olives tous les dimanches – parce que c’était son plat préféré. De baisser la voix et de prendre un ton d’indulgence en parlant des problèmes d’alcool du voisin, parce que ces choses-là peuvent arriver à tout le monde – et surtout aux plus sensibles… De conserver la vieille platine d’occasion à demi-détruite qu’il ne leur avait offerte, à son dernier Noël, que pour s’en servir lui-même. Et d’y passer tous les dimanches, dévotement, son vinyle préféré – un 45 tours de Rod Stewart avec une photo passée du chanteur sur la jaquette, qu’il avait racheté 90 centimes sur le net, et qui les faisait fuir, autrefois, quand il poussait le son à plein volume – pour, à la fin du disque, après le dernier cliquetis du diamant retombant sur son pied avec des hésitations d’ivrogne, dire chaque fois, d’un ton recueilli, que certainement il était là, parmi nous, revenu à la maison pour l’écouter encore…

Bien sûr, il y avait aussi les bouquets du dimanche après-midi, qu’ils préparaient avec des fleurs du jardin cultivées exprès, pour les apporter au cimetière, et même, une fois par an, les déposer au pied du mur de nouveau reconstruit et reblanchi qui avait cueilli son dernier regard sur la nuit.

.

Cela aurait pu continuer ainsi. Longtemps, très longtemps. Toujours. Jusqu’à leur mort, du moins, qui aurait été la mort douce de ceux dont la vie s’est éteinte depuis longtemps, mais qui ont continué à remuer leurs lèvres et leurs carcasses, s’acharnant à ce simulacre d’existence pour faire durer jusqu’au bout l’illusion.

Si la fille n’avait pas téléphoné.

C’était un dimanche d’été et nous étions à table tous les trois, face au poulet aux olives. Mon père venait de découper l’oiseau. Ma mère avait rempli les assiettes, prenant soin de réserver dans le plat un morceau de blanc – son morceau préféré. Rod Stewart braillait à petit volume dans le salon empli de soleil.

Passion. Everybody needs passion… Je connaissais les paroles par coeur, vous pensez, depuis le temps…

Quand le téléphone a retenti.

Ma mère a hésité, mon père l’a regardée. Enfin elle s’est levée. 

Mon père a reposé le bras du tourne-disque sur son support, et le disque a continué à tourner dans le vide, quelques instants encore, avant de s’immobiliser, tandis que ma mère prenait le téléphone.

Elle a décroché. Puis elle est restée là, debout, figée, tenant le combiné contre son oreille. Aussi immobile et muette qu’une statue.

Quelqu’un parlait à l’autre bout pourtant, c’était évident, on entendait dans l’appareil le grésillement aigu et rageur d’une voix féminine. Mais ma mère restait muette, immobile, debout. Elle est restée comme cela cinq bonnes minutes. Puis elle s’est évanouie. D’un coup, elle est tombée sur le sol. Nous nous sommes précipités, mon père et moi. Dans le combiné on entendait toujours grésiller la voix féminine. Mon père a dû comprendre quelques mots. Car il a raccroché avec violence.

Ma mère a fini par se relever, évidemment. Mon père ne lui a posé aucune question. Nous nous sommes rassis autour de la table, et nous avons mangé sans faire de commentaires le poulet refroidi, avec l’accompagnement d’olives que mon frère aimait tant. La sauce figée avait maintenant une consistance caoutchouteuse et répugnante. Nous avons mâché lentement, lentement avalé. 

Dans le silence pesant où s’étranglait chaque bouchée, la voix enrouée de Rod Stewart, pour une fois, m’aurait parue épanouie et joyeuse. Mais ils n’ont pas remis le disque.

Ils sont allés au cimetière avec leurs bouquets ce dimanche-là comme tous les autres. Mais quand ils sont rentrés, il y avait toujours ce silence autour d’eux. Comme si d’un coup le récit, le long récit mensonger qu’ils s’étaient fabriqués avec tant d’acharnement s’était arrêté, suspendu sur le vide comme le bras ballant du vieux tourne-disque abîmé.

C’est seulement le soir que le téléphone a sonné de nouveau.

C’est mon père qui a décroché, cette fois. La voix féminine crachait dans le combiné une colère qui semblait capable d’emplir de vie toute la maison. Mais je ne comprenais pas ses paroles.

Mon père est resté muet lui aussi. Il ne s’est pas évanoui cependant. Au bout de quelques minutes il a raccroché. Sans hâte. Il avait l’air de réfléchir.

J’aurais bien aimé savoir ce qu’elle avait dit, celle qui de loin jetait sur mes parents cette hargne qui les laissait muets, mais  semblait secouer toutes les photos dans leurs cadres, et jusqu’au blouson de cuir pendu dans le couloir. Mais je n’ai rien demandé. Je n’étais pas pressé. 

Je savais qu’elle rappellerait encore, de toute façon.

Et elle a rappelé. Deux fois, dix fois, quinze fois, vingt fois peut-être, je ne sais pas.

J’ai réussi à décrocher, un matin où ils étaient absents. Là j’ai eu toute l’histoire.

Rien de si inattendu, au fond : mon frère, le don Juan du Stars de Villemoisy-sur-Omble, avait fait un enfant à une fille, avant de la plaquer. La fille avait gardé l’enfant, et elle l’avait élevé comme elle avait pu. Puis, tombée dans la dèche, elle avait décidé de trouver une solution. Le père était mort ? Eh bien, elle avait décidé de harceler ses parents. Il fallait que quelqu’un paie, non ? D’ailleurs elle n’avait pas vraiment le choix.

Il fallait l’entendre, la fille, accuser et insulter mes parents. Il fallait l’entendre, traiter de tous les noms ce frère que mes parents avaient béatifié. « Ce salaud-là! », elle criait dans le téléphone, « ce sale mec », elle hurlait… C’est étrange, comme les gens ont toujours besoin d’exagérer. Comme ils ne savent pas aimer ou mépriser simplement. Et moins encore juger sans passion, objectivement. Elle était dans la haine ce qu’ils étaient dans l’amour, voilà tout. Et sa haine était si naïvement teintée d’amour qu’elle ne pouvait que leur plaire.

Oh, oui, elle leur a plu. Au début, je vous l’ai dit, ce fut mutisme et évanouissement. Sidération. Mais ils se sont vite habitués. Ils se sont mis à les attendre, ces appels rageurs de la fille. Ils ne raccrochaient jamais, ils écoutaient jusqu’au bout. D’une certaine façon, après tant d’années de mensonges, cela les soulageait, je crois, d’entendre ces grossièretés.

Ils ont payé, bien sûr. Chaque mois, ils envoyaient un chèque. La fille téléphonait toujours, pour demander plus, demander autre chose… – Elle était vraiment dans la dèche, apparemment – Mes parents ne sont pas très riches, je vous l’ai déjà dit, sans doute leur était-il difficile de donner suffisamment. Mais ils acceptaient toujours de faire de nouveaux chèques. Rien ne semblait les fâcher. Au contraire ils semblaient de plus en plus heureux, sereins, même. Dans la maison, on n’aurait pu déceler aucun changement : les photos étaient toujours à leur place dans le salon, le blouson de cuir pendait toujours dans le couloir, régulièrement dépoussiéré et reciré. Le dimanche on découpait toujours le poulet, qu’il fallait savourer avec la sempiternelle sauce aux olives. Seul le tourne-disque avait cessé de jouer. Un problème avec le bras, apparemment. Ils ne se pressaient pas de faire réparer. 

Même, maintenant que Rod Stewart se taisait le dimanche après-midi, pendant que ma mère préparait les fleurs pour le cimetière, mon père trouvait le temps de faire une partie de cartes avec moi, une petite partie, il est vrai, d’un quart d’heure ou d’une demi-heure tout au plus, et que nous n’achevions pas toujours. Mais une partie tout de même, une partie à nous deux – mon père et moi.

 

Ils ont fini par inviter la fille à venir prendre le thé. Avec son enfant.

Elle s’est un peu fait prier. Finalement, elle a accepté.

Ce dimanche-là ils ne sont pas allés au cimetière. Fébriles, ils avaient arrangé leurs fleurs en grands bouquets qu’ils avaient posés un peu partout au salon, près de chacune des photos – et c’était curieux comme elles en semblaient rafraîchies, ces photos fatiguées.

La fille a sonné à la porte. C’est ma mère qui a ouvert. On a entendu dans le vestibule un bruit de pieds frottant le paillasson, quelques échanges banals d’amabilités hésitantes, puis elle est entrée au salon. Elle poussait devant elle comme un bouclier une petite de quatre ou cinq ans, très blonde, aux cheveux magnifiquement crépus. Crépus comme ceux de la fille, blonds comme ceux de mon frère, j’ai pensé. 

La fille s’est installée à la demande de ma mère dans le moins usé des deux fauteuils de vieux cuir. La petite a grimpé tout de suite près de mon père, sur le canapé. Mon père l’a aussitôt prise sur ses genoux. Et la fille, bien sûr, a recommencé ses histoires. Elle forçait un peu sa voix, on aurait dit que c’était pour se donner une contenance qu’elle répétait ses litanies : 

« Il m’a plaquée pendant la grossesse, voilà ce qui s’est passé. Il m’a dit que puisque j’avais passé la date pour l’avortement je n’avais qu’à me débrouiller… un sacré salaud, hein ?»

—Prenez donc une assiette, a dit mon père très doucement. Vous ne devriez pas.

—Dire cela devant l’enfant, a dit ma mère avec tendresse. Je vous sers une part de gâteau ?

« Un sacré salaud », a répété mollement la fille. Et elle a commencé à manger la part de fondant au chocolat que mon père venait de placer dans son assiette.

La petite mangeait avec ses doigts. Mon père est allé lui chercher la minuscule fourchette d’argent rangée au fond du grand tiroir de la cuisine – celle qui fut successivement la fourchette de mon frère enfant, puis ma propre fourchette de benjamin – que ma mère avait astiquée chaque semaine, depuis l’accident, en précisant que c’était la sienne. Il l’a rassise sur ses genoux. Elle a pris la fourchette. Elle riait, elle babillait. Et lui… il fallait voir comment il l’aidait à manger, penché vers elle, en lui montrant comment placer ses doigts. « Ta petite fourchette », il lui disait, « regarde, tiens-la comme ça, ta petite fourchette… »

La fille avait fini sa part depuis longtemps. Elle gigotait sur son fauteuil, cherchant à se donner une contenance. Ce n’était plus du tout la furie du téléphone. Juste une fille ordinaire. Presque timide. Pas si vulgaire, au fond. Finalement, elle s’est levée, et elle est allée chercher la photo de mon frère sur ses skis. Ensuite elle s’est rassise avec la photo, et elle a ouvert un dossier qu’elle avait apporté. « Je peux prouver tout ce que je vous ai dit ». Elle a déclaré cela d’un trait, comme elle aurait récité. Elle avait dû décider avant de venir que c’était ce qu’il fallait faire, et maintenant elle se forçait à le faire. Enfin, c’était l’impression que j’avais. Elle a sorti du dossier une collection entière, des instantanés, des captures d’écran, des selfies, toutes sortes de photos qu’elle a posées à côté de la nôtre, et où on reconnaissait parfaitement mon frère. Mon frère près d’elle, mon frère en boîte, mon frère qui l’embrassait, mon frère qui dansait, mon frère qui buvait. Mon frère en oisif, en fêtard. C’était bien lui. Il n’y avait aucun doute possible.

« Un sacré salaud », a encore dit la fille. Et on sentait, à la façon dont elle prenait les photos, comme en les caressant, qu’il lui plaisait toujours énormément, le salaud sur les photos. Mes parents se sont fait passer les images. Ils avaient l’air de les observer de près pour vérifier, mais on voyait bien que leurs mains tremblaient.

« Bon, je sais ce que vous allez dire, a encore dit la fille d’une voix qui se voulait résolue mais qu’on n’entendait plus qu’à peine : qu’à notre époque, tout le monde peut en récupérer, des photos, que ça ne prouve rien, les images, que ça se trafique, avec internet et tout… 

Alors j’ai aussi apporté ça. « 

Elle a farfouillé dans son sac, et elle en a sorti un petit haut-parleur qu’elle a branché sur son téléphone. Elle a appuyé sur un bouton. Et soudain on a entendu la voix remplir la pièce.

La voix de mon frère. Cette voix un peu rauque, si caractéristique. Cette voix déjà usée qu’il avait, les derniers temps, trempée à la vodka et grillée aux cigarettes roulées main.

« Fais-toi avorter, disait mon frère, fais-toi avorter ! Pendant que t’as encore le temps. J’en veux pas, moi, de ce gosse, c’est pas mon affaire, tu m’avais dit que tu prenais la pilule… alors maintenant, prends tes responsabilités… Parce que tu m’auras pas, figure-toi, pas de ça avec moi… un enfant dans le dos : pas pour moi, pas question ! Tu te démerdes, tu te démerdes, je te dis, tu te démerdes… »

J’avais beau être au courant, je me sentais extrêmement mal à l’aise. Mais mes parents souriaient.

— C’est bon tout de même d’entendre sa voix, a dit ma mère.
—Un vrai salopard, a encore dit la fille, vous vous rendez compte de ce qu’il me… elle n’a pas terminé sa phrase, il y avait des larmes dans sa voix. Des larmes d’amour, je crois bien.

—Il me semble que c’est bien sa voix, a dit rêveusement mon père. Vous devriez nous le repasser, pour qu’on soit vraiment sûrs… »

Et la fille a repassé l’enregistrement.

—C’est tout à fait sa voix, a murmuré ma mère…

Et mon père a serré sa main.

La fille a fini par arrêter son appareil.

—Faut penser à la petite, elle a dit en rangeant son matériel dans son sac, c’est pour la petite que je suis venue, et c’est pas bon qu’elle entende ça. C’est son père, après tout.

—Son père… a répété ma mère. C’est son père, oui…

—Bien sûr que c’est son père. Aussi sûr que je suis son grand-père, a renchéri mon père.

—Mais puisque son père est parti...

—Qu’il ne reste que nous…

—On pourrait faire quelque chose pour son éducation.

La fille n’attendait que ça.

—Exactement, elle a dit, vous pourriez faire quelque chose. Je suis désolée pour vous qu’il soit parti, vraiment désolée, complètement désolée, vous ne pouvez pas imaginer comme je suis désolée… et je vous remercie de l’aide que vous m’avez déjà apportée, mais c’est pour la petite que je suis venue ici… 

—La petite… a répété ma mère.

—Il faut penser à elle, a encore dit la fille.

Elle avait repris son ton hargneux, soudain. J’ai compris qu’il allait être question d’argent, encore. Elle a rouvert son dossier.

—Nous sommes sa famille, a souri mon père. 

«Si vous voulez bien, a souri timidement ma mère…

— Vous pourriez nous l’amener… une fois de temps en temps, a hésité mon père.

—Quand ça vous arrangerait, a ajouté rapidement ma mère.

« Vous apporteriez les photos.

« Et même l’enregistrement.

« Vous nous raconteriez, un peu…

—J’aimerais bien boire quelque chose, maintenant, a coupé la fille. J’ai soif. Et la petite aussi. J’ai encore d’autres choses à vous montrer. Servez-nous donc quelque chose à boire. J’aime pas le thé.

Et ma mère est partie à la cuisine chercher un coca pour la fille et pour la petite.

La fille n’avait plus l’air mal à l’aise du tout. Elle s’était vite habituée, finalement. Elle avait déjà les manières de quelqu’un qui s’était installé. Elle a commencé à sortir de son dossier une quantité de papiers couverts de dates et de chiffres. Des factures, de toute évidence.

« Vous voulez peut-être voir sa chambre, a demandé timidement mon père. Sa voix tremblait. « Il y a des jouets », il a ajouté, « beaucoup de jouets que nous avons réunis là ».

La petite a battu des mains. « La chambre de papa, a dit la fille ? Tu veux aller la voir avec pépé ? Vas-y si tu veux, pendant que je cherche les papiers…

La petite a encore battu des mains. Elle semblait vraiment heureuse.
Mon père a caressé ses cheveux, elle lui a donné la main. Je les ai regardés tous les deux, marchant main dans la main, s’éloignant dans le couloir sombre, frôlant le fantôme du blouson de cuir.

Ça me gênait de rester seul en face de la fille qui triait ses factures. Cette façon qu’elle avait, de me rendre mon regard, de me regarder droit dans les yeux, quand j’essayais de l’observer…

Je suis allé aider ma mère à la cuisine. Elle était en train de disposer les cocas sur un plateau, avec une expression extatique.

—Vous n’allez plus pouvoir vous en défaire, j’ai dit.

Mais elle n’a pas eu l’air de m’entendre.

J’ai répété : « Elle va vous faire cracher toutes vos économies si vous vous laissez avoir, va falloir mettre des bornes »

« Tu crois ? a dit ma mère d’un ton distrait. Et elle a disposé le sorbet au cassis qu’elle venait de sortir du congélateur sur le plat en porcelaine japonaise qui lui vient de sa grand-tante.

J’ai haussé les épaules. Elle paraissait disposée à sortir le grand jeu pour cette fille. 

—Tu sais, m’a dit ma mère d’un ton de confidence en me tendant le plateau, ton frère non plus n’était pas parfait. D’ailleurs s’il l’avait été… je ne serais pas en train de te confier un coca pour cette petite…

Et elle s’est mise à rire, d’un rire cristallin et frais de jeune fille. Celui qu’elle avait dû avoir, autrefois, il y avait très longtemps, bien avant qu’elle soit ma mère.

Elle paraissait heureuse, ma mère, réellement, sincèrement heureuse.

Je suis retourné au salon avec les cocas. En passant devant la chambre-mausolée de mon frère, j’ai vu la lumière… Les rideaux avaient été ouverts. Le soleil remplissait la pièce. Je me suis arrêté sur le seuil.

La petite criait de joie, tandis que mon père, à quatre pattes sur la moquette, poussait avec des bruits qu’il croyait suggestifs le grand camion de pompiers que mon frère avait reçu, autrefois, pour ses dix ans – celui avec lequel il n’avait jamais joué, celui que j’aurais tant voulu avoir. C’était sûr qu’elle s’amuserait vraiment bien, avec ce camion-là, la petite. Sûr qu’elle allait l’adorer, qu’elle l’adorait déjà, et qu’elle saurait le conduire, le camion de pompiers.

Dans l’ombre des rideaux tirés, ses cheveux crépus étaient si blonds qu’on aurait dit un halo. Qu’est-ce qu’elle était mignonne, cette petite. J’étais bien obligé de le reconnaître, parce que la vérité, il faut toujours la reconnaître quand elle passe à notre portée : c’était une gamine adorable, cette petite… une gamine vivante et décidée… une gamine comme il en aurait fallu une à mes parents – à mon frère.

Et c’était dommage, franchement, pour le camion.

Je venais de me souvenir que j’avais lacéré la carrosserie, un jour de pluie où j’étais seul à m’ennuyer à la maison, avec un couteau de cuisine. Avec le temps, les griffures s’étaient noircies, et ça faisait de vilaines traces. Qu’est-ce que j’avais pris, quand ils étaient rentrés ! Mes parents avaient cru à de la jalousie, à de la méchanceté, à on ne savait quoi d’absurde, ils avaient relégué le camion au grenier, je n’avais pas osé protesté. Je n’avais nui qu’à moi-même, comme toujours… Quel idiot j’étais… quels idiots ils étaient…

Seulement il fallait reconnaître qu’il était vraiment abîmé, depuis, ce camion de pompiers.

C’était dommage, je regrettais, maintenant.

Mais ça pouvait s’arranger.

Puisque justement j’avais un reste de peinture dans le garage.

Cette laque blanche qui m’avait servi à peindre, l’été dernier, l’avion miniature que je m’étais amusé à monter.

Une belle nuance de blanc, lumineuse, magnifique.

De la peinture blanche, sur le camion de pompiers… ?

Ah non, zut !

Mais, bon, si je m’applique, si je recouvre de blanc juste les traces, une par une, au pinceau fin, sans déborder, précisément, délicatement, ça fera encore un beau camion à peu près rouge, un camion tacheté rigolo, et elle s’amusera bien quand même avec, la petite.

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16 commentaires pour La fille

  1. Aloysia dit :

    C’est tellement vrai… Une belle histoire de vie comme tu sais les raconter, Carole.

  2. La Baladine dit :

    Ah, cette tendance si répandue qui veut qu’on sacralise un mort, quelle qu’ait été sa vie, a fortiori quand c’est un jeune mort!
    Tu as décidément un vrai talent de conteuse, tu sais tenir en haleine et on a de l’empathie pour ton héros, triste victime de son aîné.

  3. almanito dit :

    J’ai remarqué que les personnes qui estiment au fond d’eux-même qu’ils n’ont pas fait ce qu’il devaient pour leur enfant (dans ton histoire ils l’ont laissé boire et consommer de la drogue sans guère intervenir) ou pour leurs parents (qu’on laisse croupir dans un mouroir sans aller les voir, par exemple) en font des tonnes le jour où un malheur arrive. Comme pour se déculpabiliser, on entretient le culte de ces morts, une façon peut-être aussi d’implorer le pardon.

  4. jill bill dit :

    Pour ces parents-là ce sera tjs la faute du mur même si et puis… cette petite-fille, un « souvenir » du fils mort, comment le rejeter… ben non ! 😉 Merci Carole

  5. Corine dit :

    Bonjour Carole,
    Ce récit, cette énorme culpabilité portée par ce jeune frère (qui rendra la « faute » d’être vivant cheveu blanc par cheveu blanc) cette immense lucidité, ces sens qu’il prend tous pour comprendre (et s’en vouloir d’aimer, mais de voir et savoir), tu nous y fais pénétrer jusqu’à oublier où l’on est pour ne plus écouter qu’eux, chacun à sa place dans cette souffrance. Ou ses souffrances pour le jeune homme. . . .
    Un bijou de psychologie, impossible de ne pas lire jusqu’au bout ou de rien sauter.
    Jusqu’à la peinture blanche, ce pansement si symbolique. C’est vraiment un très, très beau texte.
    J’ai eu beaucoup de sympathie pour ce cadet et pas d’antipathie pour l’aîné à la jeunesse éternelle et perdue; loupée, paumé; faux héros mais sacralisé sans en demander tant.

    Beau week-end, Carole. Bravo, j’ai adoré.
    Corine

    • carole dit :

      Merci, Corine, pour votre lecture, si attentive, si précise… et si généreuse !

      • Corine dit :

        Ah vous êtes déjà repassée ? Ne me dites surtout pas « généreuse », je suis surtout objective entière quand j’aime quelque chose.
        J’allais juste mettre ce Ps : j’ai tellement aimé cette nouvelle que j’ai rallumé exprès mon PC ce samedi et que vous ai lue aujourd’hui à quelqu’un. C’est difficile même, de se retenir d’être très ouvertement émue à haute voix lors de la lecture de certains passages dont celui de ceux qui font encore semblant d’être vivants.
        Que l’écriture soit belle, évidemment qu’on a été deux à le penser, mais c’est marrant, on ne voit pas forcément tous la gaieté où elle est. (je dis ça mais c’est normal : chacun est lui-même !!!)

  6. Corine dit :

    Mais… je reviens… Ca me turlupine et quand je suis turlupinée, il faut que ça sorte. Depuis le temps que j’y pense, je vais vous la poser la question. Attention, attention Carole, méfiez-vous. je suis dangereuse !!! Lol ! Voilà : n’avez vous pas soumis ces nouvelles à un éditeur « classique » ? Cela ne vous intéresse-t-il pas ?
    C’est possible aussi.
    C’est spécial aussi l’édition. Exemple : l’autre jour j’avais ma liste de livres dont celui d’un écrivain que je ne connaissais pas : Sylvie Caster . Si j’ai, il y a quelque mois, ajouté à ma liste déjà trop fournie, cette personne et ses « Chênes Verts », c’est bien que j’avais une bonne raison. J’ai dû en voir de beaux extraits. Les bras m’en sont encore tombés : le livre n’est plus disponible et l’édition en est arrêtée. Il y a pourtant des ouvrages sur lesquels je tombe dont je me demande ce qu’ils ont fait pour séduire.(ni drôles,ni profonds, ni lyriques (ah c’est vrai ça ne se fait plus, le lyrisme.. Grrrrrr.) et d’autres qui vous feraient acheter la librairie. Mais vous devriez essayer. il est impossible qu’on ne vous l’ai pas au moins suggéré. Moi je n’ai rien à y gagner, si je vous en parle , c’est juste que ça me paraît aller de soi. Voilà, c’est dit c’est fait. Je me turlupinerai sur autre chose ! re-bon WE ! Corine

    • carole dit :

      ^Je n’avais pas vu votre nouveau commentaire, Corinne, c’est pourquoi je n’avais ps répondu plus tôt.
      Je n’ai jamais essayé de faire éditer quoi que ce soit, effectivement, mais ce n’est pas une attitude de mépris ou de rébellion face au « système » éditorial. C’est seulement que je ne me sens pas encore prête. Comme vous l’avez remarqué, l’état de l’édition an France laisse extrêmement peu d’espoir aux inconnus, alors mieux vaut travailler pour être « solide », aussi bien face aux refus des éditeurs que face au public (car le succès ne serait peut-être pas plus facile à vivre que l’insuccès, me semble-t-il). J’ai commencé à écrire des nouvelles il y a 4 ans, je peux encore progresser et en inventer de meilleures (du moins je me l’imagine…). Ou simplement en créer de nouvelles qui me permettront d’organiser de vrais recueils cohérents.
      La seconde chose qui me « turlupine » avec l’édition, comme vous dites, c’est qu’un texte édité est un texte qu’on ne peut plus changer, sauf en cas d’improbable réédition. Or pour l’instant je remanie beaucoup mes textes et il me semble toujours quand je les relis que je peux améliorer quelque chose, ne serait-ce qu’un détail. Sur le blog (les blogs, puisque j’en ai deux), je repasse souvent pour remanier, parfois seulement un mot, mais tous les détails comptent.
      Enfin, j’aime beaucoup le travail sur blog, avec ses lecteurs « amis » ou au moins amicaux, qui m’aident à percevoir les réactions (parfois imprévisibles pour moi), voire les incompréhensions, suscitées par un texte. J’aime aussi le rythme de création qu’un blog impose sans l’imposer vraiment.
      Bref, « work in progress » !
      Quoi qu’il en soit, je vous remercie infiniment, Corinne, de vos lectures et de votre soutien si précieux.

      • Corine dit :

        Bonjour !
        Ah vous voyez ! Je ne suis pas la seule à me poser la question et ça j’en étais sûre, C’est normal.
        Je suis heureuse d’avoir votre réponse. Je suis d’accord sur ce peu de chances laissées aux inconnus mais il y en a quand même toujours. Ce que je trouve comme argument très solide de votre part en réponse – mais tout est respectable – est ce que vous dites : « mieux vaut travailler pour être « solide », aussi bien face aux refus des éditeurs (…)
        et
        « car le succès ne serait peut-être pas plus facile à vivre que l’insuccès, me semble-t-il ».
        C’est ce que j’ai parfois eu l’étonnement de lire : on croit que le paradis est atteint, que l’on va pouvoir y respirer, mais non. .Mais enfin….. quand même 🙂
        Je n’avais pas vu que vous aviez arrêté d’écrire des nouvelles, ou bien ce sont des textes plus longs que ce que j’appelle de ce nom.
        C’est vrai, je sais ça je peux me permettre de le dire, même retoucher 1 mot est important. On regrette parfois le passage de lecteurs auxquels on tient : « ah mince il n’a pas vu LA dernière version, du coup ! »

        Enfin, je garde mon avis…: -) mais je vous comprends mieux. Je pense « seulement » que, chaque fois que je viens je trouve que c’est très bon. .

        Je suis aussi d’accord qu’écrire sur un blog est infiniment agréable.
        Petite confidence : j’adorais faire rire et je n’y arrivais plus. je n’essayais plus. Quel soulagement justement de partager cela.

        Je vous souhaite un très beau WE

        CoriNe avec un seul « n ». Ma seule maniaquerie :: mon « n » solitaire !!!! LOL !

      • carole dit :

        Alors merci, Corine (je ne me suis pas trompée, cette fois) d’avoir encore pris du temps pour m’écrire. Vous êtes une lectrice vraiment idéale !
        Mais je reprécise un détail : je n’ai pas l’intention d’arrêter d’écrire des nouvelles, c’est mon activité préférée même si je médite de faire des textes « plus longs ».

      • Corine dit :

        Ps : l’essentiel est d’être heureux décrire et vous l’êtes. Ne me remerciez pas c’est profondément sincère et je regrette ne pas avoir le temps de tout lire. mais quand le lis je suis dedans !

      • Corine dit :

        Oui même moi en me relisant, autant je m’approuve pour le reste, autant je me demande pourquoi j’ai dit ça : arrêté ??! Je crois que c’est sur le terme « nouvelle » que j’avais buté?
        J’ai dû me laisser influencer par moi-même (!!!) pensant que vous vous exigiez de faire plus long, je ne sais pas. Je n’ai pas pensé une seconde que vous aviez arrêté d’écrire, D’ailleurs je ne voyais pas où ni quand vous auriez stoppé ! Quand on aime comme vous créer des histoires ou des textes poétiques (sous des photos), on ne n’arrête jamais. Vous avez d’ailleurs bien expliqué : en créer d’autres pour, éventuellement, faire des recueils qui se tiennent. Je ne vois pas pourquoi, une fois que vous aurez bien tout examiné avec l’exigence que vous avez pour vous-même, ça ne ferait pas. J’y crois. Bon, j’arrête, parce que vous allez vous obliger à me répondre là-dessus. Bonne fin de semaine. Et merci pour le « n » 🙂 ET les réponses.
        Amitiés
        Corine .

  7. Quichottine dit :

    Je ne dis rien… peut-être parce que ce récit me touche particulièrement.
    Mais, comme toujours, tu as su nous faire rentrer dans la vie et le coeur de ce frère survivant.
    Merci pour tout, Carole.
    Passe une douce journée.

  8. dombouvet dit :

    Bonjour Carole, Après la lecture, je suis resté comme au cinéma après un très bon film, pensif, troublé. J’aime cette histoire de vie, de la vraie vie, pas toujours belle.
    Et je partage la question de Corinne ‘ » Voilà : n’avez vous pas soumis ces nouvelles à un éditeur « classique » ? Cela ne vous intéresse-t-il pas ? »

    • carole dit :

      Merci infiniment, Dominique, pour ce commentaire.
      Je viens de répondre (avec beaucoup de retard) à Corinne dont l’intervention m’avait échappé (peut-être n’avais-je pas bien suivi mon courrier en cette période de vacances).
      Et la réponse que je peux vous faire est bien sûr identique ! Je vous renvoie donc à cette réponse que je viens de faire à Corinne…
      Je pourrais d’ailleurs moi aussi vous poser la même question : avez-vous exposé ailleurs que sur votre blog vos remarquables photographies ?

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