L’erreur

Il avait dû faire une erreur.

C’était peut-être lorsqu’il avait tourné à gauche, tout à l’heure. Il avait dû se tromper de rue. Ou alors au contraire c’était lorsqu’en sortant du Conseil il avait pris trop vite à droite… oui, ce devait être à ce moment. Il s’était dit qu’il rattraperait la rue Victor Hugo en prenant par l’avenue Thiers. Mais avec le brouillard, il s’était fourvoyé. 

Ou alors, pas du tout. Il n’avait fait aucune erreur. Il avait suivi le bon chemin. C’était seulement le brouillard qui déformait tout. Et il avançait dans des rues connues, mais que l’obscurité rendait étranges et indéchiffrables.

Il ne parvenait pas à comprendre ce qui, exactement, avait pu arriver. Une seule chose était certaine : il était incapable de dire où il se trouvait.

Une erreur quelque part. Il devait y avoir eu une erreur quelque part. Il avait fait une erreur. Dans son parcours ou dans son appréciation de ce parcours. Une erreur. Cela peut arriver, une erreur. Cela se corrige, une erreur. Il suffit de comprendre, de rec… Mais il est très difficile de recommencer un parcours erroné, il est presque impossible de revenir en arrière et de recommencer. Et puis comment savoir où, à quel moment, à quel carrefour, à quel obscur coin de rue l’erreur s’était produite ? 

Il aurait sans doute mieux fait de rentrer tout de même avec Trémoille. Evidemment, il détestait Trémoille, il redoutait plus que tout les tête-à-tête avec Trémoille. Trémoille le méprisait. Trémoille cherchait à l’utiliser. Trémoille essayait toujours de le mêler à des combines que… enfin qu’il ne voulait pas connaître. Trémoille voulait l’entraîner là où il n’avait jamais voulu aller. Trémoille voulait l’impliquer. Trémoille l’obligeait toujours à contempler la face désagréable du… disons, du métier. Une âme intègre, voilà ce qu’il était, lui, rien à voir avec Trémoille. N’empêche que Trémoille, au moins, l’aurait ramené à bon port. Pourquoi avait-il préféré s’obstiner à rentrer seul et à pied, par ce temps… ?

Tout s’était enchaîné de façon si inattendue. Il y avait eu cet accident, le matin. La voiture défoncée par un chauffard, immobilisée. Et l’incompétence de l’assureur incapable de lui fournir un véhicule convenable pour l’heure du Conseil. L’attente du taxi, enfin, qui s’était tant prolongée qu’il avait décidé, exaspéré, de gagner le conseil à pied. Il n’avait pas bien loin à marcher, après tout, à peine à huit cents mètres. 

Il était rare cependant qu’il se déplace ainsi à pied. Il manquait de temps. Surtout, il éprouvait toujours dans les rues une sorte de malaise vague, depuis que s’aggravait ce qu’on appelait « La Crise »… La crise, cela faisait injure au dictionnaire comme au bon sens, la crise donc durait depuis tant d’années… peu à peu les rues du centre, vidées de leurs automobiles et rhabillées de banques et de boutiques de luxe, s’étaient emplies de silhouettes misérables, déambulantes ou figées… On faisait beaucoup pourtant, les services d’action sociale étaient à pied d’oeuvre, qu’aurait-on pu faire de plus ? mais la marée de misère semblait toujours augmenter, déborder, envahissant la ville. Le plus pénible, peut-être, c’était la façon dont les passants pressés avançaient désormais, raides, traçant des cercles larges autour des fantômes du trottoir, les yeux levés à cette hauteur où ne pouvaient plus atteindre les silhouettes affalées ou voûtées. De s’apercevoir que soi-même on se mettait à marcher ainsi… C’était probablement inévitable. Inéluctable. Comme la crise et la misère. Mais… non, il n’aimait plus se déplacer à pied. Il était plus simple d’emprunter les couloirs réservés, d’avancer rapidement dans la voiture aux vitres fumées, de se garer dans la cour du Conseil après avoir fait un signe au gardien.

Et puis, cette saleté, désormais… cette incroyable, répugnante, innommable saleté. Il ne se souvenait pas d’avoir jamais vu les rues aussi sales. Sans doute un effet des récentes coupes budgétaires. Peut-être était-on allé un peu loin. Il faudrait évoquer ce problème au Conseil… Partout on se heurtait à des amoncellements d’ordures. On glissait sur des déjections que le givre faisait désagréablement luire. Et une foule silencieuse de créatures épaisses, informes, paraissant travailler à des besognes immondes et incompréhensibles, partout, remuait des poubelles répandues, fouillait des sacs de plastique éventrés, amassait des cartons déchirés.

Décidément, il n’aimait pas marcher dans les rues du centre. Et ce soir-là… par ce froid… ce soir-là, vraiment, moins que tout autre encore.

C’était étonnant à quel point le froid était tombé vite. Et ce brouillard. A couper au couteau. Littéralement. On avait réellement envie de le découper pour y retailler la ville, redonner forme à ce monde qui n’était plus qu’une masse grise où tout disparaissait, les corps, les frontières, les repères. 

Quelle étrange nuit… Il aurait dû comprendre, tout à l’heure, qu’un retour à pied serait, sinon impossible, du moins extrêmement difficile. La ville avait tellement changé. Une autre ville. Il ne s’y reconnaissait plus. L’aller avait été si difficile, alors qu’il faisait encore jour. Alors ce retour, par cette nuit glacée de brouillard… Il aurait dû accepter l’offre de Trémoille sans une hésitation, échapper par tous les moyens à cette insupportable errance… 

Evidemment, il aurait fallu supporter Trémoille. Supporter de devoir quelque chose à Trémoille.

Trémoille… une fois de plus il avait dominé le Conseil.

C’était lui qui l’avait emporté, dès le début, au sujet du centre « grand froid ». Triste décision, lorsqu’il y repensait, triste décision… Comment avait-il pu se laisser entraîner?

Il s’agissait de savoir si l’on porterait de cinquante-deux à cent-dix-huit, comme le demandait la directrice du Samu social qui était venue présenter la requête, la capacité d’accueil du centre « grand froid » qui devait ouvrir le soir même, en urgence, au gymnase Lagrange, la température étant brusquement tombée très en-dessous de zéro. Seulement, pour passer de cinquante-deux à cent-dix-huit places, les normes de sécurité étant ce qu’elles étaient, il fallait faire venir deux animateurs supplémentaires, transporter des matelas et des couvertures, installer des radiateurs de fortune… Bref, cela avait un coût qui n’était pas négligeable. Au moins 3500 euros, au total. Peut-être même 3700.

Lui, bien qu’appartenant à ce groupe conservateur qui rechignait toujours à la dépense – et certes à juste titre, le plus souvent, à juste titre ! –  cette fois, pourtant, il aurait volontiers voté en faveur de cette extension. Le froid, dehors, était vraiment effroyable, il avait pu le constater par lui-même. Cent-dix-huit places… après tout ce n’était pas le diable, et si cette dame l’estimait nécessaire, on pouvait bien le faire…

Mais Trémoille avait pris la parole.

« Vous nous parlez d’urgence, avait-il tonné en direction de la malheureuse directrice, vous nous parlez d’urgence, mais l’urgence, n’est-elle pas d’abord budgétaire ? Cent-dix-huit places ! en avons-nous les moyens ? avait-il tonné. Cent-dix-huit ! Et pourquoi pas deux-cent-dix-huit, trois-cent-dix-huit, mille cinq-cent-dix-huit ? Pouvons-nous nous permettre de dilapider ainsi l’argent public ? Que dirons-nous lorsque les administrés, que dis-je, les contribuables, nous demanderont compte de nos dépenses ? Que dirons-nous, je vous le demande ? Que le budget dédié aux affaires sociales représente déjà 78% de notre budget global ? Que pour un bref épisode de froid qui sera dissipé dès la semaine prochaine nous avons gaspillé 3700 ou 4000 euros comme on claquerait des doigts ! Nous savons tous, du reste, que les cinquante-deux places actuellement prévues sont amplement suffisantes. Je pourrais m’appuyer, si besoin en était, sur le tout récent rapport de la Commission Bric-Voland, qui fait état de tout ce qui a été déjà entrepris en direction de notre population assistée : centres d’accueil, logements sociaux, nous avons déjà fait tout ce qui était possible. Pas d’erreur, le rapport est formel, et vous le savez déjà tous : nous sommes allés bien au-delà encore, très au-delà du possible puisque nous atteignons désormais 78% du budget global ! 78 % ! Allons-nous ajouter de la dépense à la dépense, de la dette à la dette ? Devrons-nous amputer de 3700 euros des sommes dédiées au bien-être des personnes âgées, des enfants des écoles ? Et pourquoi ? Pour que cent-dix-huit profiteurs – cent-dix-huit parasites – cent-dix-huit assistés – se tiennent les pieds au chaud, au lieu de supporter courageusement un bref épisode de rigueur hivernale ? Nous avons, avait encore martelé Trémoille, nous avons, nous devons avoir d’autres priorités, de graves dossiers que nous ne pouvons sacrifier. Ces cent-dix-huit places, les accepter, les financer, ce serait, j’ose l’affirmer, une faute morale, oui, j’insiste, ce serait, non une bonne action, comme certains voudraient nous le faire croire, une véritable faute. Nous devons cesser d’attirer dans notre ville toute la misère du monde, nous devons cesser par tous les moyens de nourrir le cancer de l’assistanat ! »

Il avait été vivement applaudi. Mais l’opposition, bien sûr, avait voulu exister… et il s’en était suivi une courte discussion dans laquelle l’administratrice du Samu social avait rapidement perdu pied, sous les assauts indignés de l’éloquence trémoillienne.

Pour finir on avait procédé à un vote.

Et lui…– dans la bonne chaleur de la salle du Conseil, avait-il commencé à oublier le froid mordant du dehors ? Il s’était abstenu, finalement, hésitant, vaguement honteux de sa pitié, incapable cependant de se rallier tout à fait à l’ample et enthousiaste majorité qui s’était prononcée pour la limitation à cinquante-deux places du gymnase Lagrange.

« Je salue la décision du Conseil, une décision raisonnable, équilibrée, que notre groupe majoritaire a prise à l’unanimité… ou presque », avait commenté Trémoille, le regardant fixement. « Une saine décision, avait approuvé Aline Boissinot, compte tenu des conditions budgétaires extrêmement difficiles qui, cette année, avec le gel des dotations… »

Il avait ensuite été rapidement question du devenir de l’ancien palais de justice. Et Trémoille s’était encore illustré… C’était lui qui avait fait état de cette offre officieuse… une chaîne hôtelière d’élite… des Américains très bien cotés en Bourse… mais qui ne s’engageraient, évidemment, que s’ils avaient la garantie d’obtenir une subvention… au moins 500 000 euros… pour démarrer… Evidemment, c’était un investissement… mais les retombées, en termes de prestige… n’est-ce pas… bien sûr… La discrétion était, en tout état de cause, de rigueur pour l’instant. A ce stade purement officieux. On ne pouvait rien décider avant d’avoir reçu toutes les candidatures. Mais on y réfléchirait, évidemment.

Evidemment, avait-il pensé. Trémoille y réfléchirait.

On avait très rapidement abordé la question de la Manufacture des tabacs. 965 licenciements, précisément 965, sans reclassement, c’était très regrettable, tous en étaient d’accord, mais on ne pouvait pas faire grand chose, si le choix de la direction était de délocaliser l’entreprise en Roumanie, c’était, après tout, de sa responsabilité, on ne pouvait s’ingérer… de plus les ouvriers avaient séquestré l’équipe de direction… des faits très graves… le Conseil ne voulait pas cautionner… Même l’opposition s’était inclinée… on ne pouvait pas cautionner…

Pour finir on avait évoqué la zone logistique. Cet immense parc d’entrepôts robotisés, accessoirement classés Seveso, qu’on allait installer dans la proche banlieue, dès le mois prochain – les travaux étaient déjà commencés, avant même l’achèvement de cette enquête publique qui bien sûr n’avait été qu’une formalité. Quelques « Don Quichotte riverains », selon l’expression d’Aline Boissinot, tentaient encore absurdement de guerroyer, prétendant sauver leurs petits pavillons de l’expropriation ou de la chute des prix. « On les fera taire », avait souri Trémoille, qui avait clos souverainement la séance en demandant le vote immédiat d’une subvention de 375 000 euros, somme calculée au plus juste, ainsi qu’il était en mesure de le montrer, rapports chiffrés à l’appui, vraiment le strict nécessaire pour financer les infrastructures de la zone, et attirer les forces vives, et tout particulièrement la fameuse société Avalone, géant de la vente sur internet… La zone logistique était une excellente décision, certes, une décision qui allait dans le sens de l’histoire, et qu’il approuvait entièrement pour sa part, mais pourquoi avait-il encore fallu que Trémoille… toujours Trémoille…

Oui, tout avait été très ordinaire ce soir-là, un conseil comme tous les autres… insipidement houleux, péniblement banal, et, malheureusement, une fois de plus, dominé par Trémoille… mais, somme toute,  il ne s’était rien produit de nature à expliquer qu’il ait pu, à la sortie, perdre à ce point la tête.

Car il avait dû perdre la tête. Brièvement. Faire une erreur. Qu’il fallait rectifier. Qu’il allait rectifier.

Sans aucun doute il retrouverait son chemin. Il n’habitait qu’à huit cents mètres à peine. Huit cents mètres. C’était dérisoire. Si seulement dans l’énervement de cette querelle avec l’assureur il n’avait pas oublié son téléphone sur son bureau, en quittant l’appartement… la situation aurait été immédiatement débrouillée. Immédiatement. Il n’y aurait eu qu’à ouvrir le GPS. Appeler sa femme. Sa fille. Ou un taxi. Enfin peu importe, tout aurait été si vite réglé. Tandis qu’ainsi, seul dans les rues glacées envahies de brouillard, il n’avait plus à compter que sur lui-même. Cela ne lui avait jamais fait peur, naturellement, l’indépendance, l’effort, la difficulté, le travail, l’étude… mais… mais ce soir… ce froid… ce brouill…

Il heurta une masse allongée sur le sol. Il y eut un long grognement. C’était un être humain qui était couché là… Il s’arrêta, anxieux. Il l’avait peut-être blessé… Mais l’autre se releva, tituba, puis, lourdement, informe et vacillant, s’éloigna. Il lui sembla qu’il se retournait, avant de disparaître tout à fait dans l’ombre, grommelant quelque chose dont il eut du mal à distinguer si c’était « merci » ou « toi aussi ».

A la réflexion, ce devait plutôt être « merci ». Il lui avait peut-être sauvé la vie, après tout, en l’arrachant à son sommeil mortel… pauvre malheureux…

Il y aurait des morts, ce soir, peut-être. Il faisait vraiment un froid de mort. Et le brouillard augmentait encore.

Étrange univers, où pour sauver un homme il fallait le heurter du pied.

Il repensa au discours de Trémoille, tout à l’heure. Il avait eu tort, finalement, de se laisser impressionner. Il aurait dû tenir tête à Trémoille. Voter pour les cent-dix-huit places. Seul de son groupe ? Et pourquoi pas ? Bien entendu, cela n’aurait rien changé, mais au moins, il aurait fait son devoir. Ce satané Trémoille était si beau parleur. Il embrouillait tout, il parvenait à vous convaincre, si bien qu’on ne savait plus, en l’écoutant, où était le devoir. Il avait bien fait, finalement, de refuser son offre, tout à l’heure. On ne monte pas dans la voiture d’un Trémoille. On ne fréquente pas sans danger un Trémoille.

Machinalement, il suivit le chemin qu’avait pris l’homme.

Il n’arrivait plus du tout à distinguer quoi que ce soit dans cet amas de brume et de lueurs givrées qui avait effacé tous les murs de la ville. Et le sol était devenu soudain si glissant. Comment allait-il pouvoir continuer ? Il se tenait maintenant aux murs, incapable d’avancer sans appui. Si seulement il avait pu comprendre où il se trouvait.

Il aurait fallu réfléchir, étudier les plaques des rues, les enseignes des magasins… mais tout était si obscur, si recouvert de gel, il ne parvenait plus à rien déchiffrer, et il faisait si froid. S’arrêter tout à fait, c’était risquer l’engourdissement, mieux valait marcher, marcher marcher, toujours se tenir en mouvement malgré le danger d’une chute, pour ne pas laisser le corps peu à peu se raidir, et s’abandonner au froid. Le thermomètre avait dû descendre très en-dessous de zéro… Pourquoi n’avait-il pris en partant que son petit pardessus de cachemire ?  Dire qu’il n’avait même pas une écharpe, même pas une paire de gants. S’il s’était douté… pourquoi ne se doute-t-on jamais de ces choses-là ? On croit partir pour une simple réunion du Conseil, et…

Ce qui était curieux, c’était que les rues tout à l’heure éclairées de boutiques et grouillantes de misérables étaient maintenant tout à fait vides. A part le pauvre type qu’il avait heurté du pied tout à l’heure, il n’avait encore rencontré personne. Pas un passant. Pas un cycliste. Pas une automobile. Pas un autobus. Aucune vitrine éclairée. Aucun taxi, évidemment. Le brouillard givrant, sans doute, empêchait tous les déplacements. Et les commerçants, comme les autres, étaient rentrés se calfeutrer chez eux.

Ou alors il était allé bien plus loin qu’il ne l’avait cru, et il avait pénétré dans cette partie de la ville dévastée par le chômage, la pauvreté et les trafics en tout genre, cette zone de non-droit où les gens du Conseil ne pouvaient pénétrer sans danger, où nul ne s’aventurait la nuit, et où bien sûr tous les commerces avaient fermé.  

Pourquoi n’avait-il pas interrogé ce pauvre homme, tout à l’heure… ? il savait peut-être, lui, après tout, le nom des rues… il aurait pu, probablement, lui indiquer un chemin… Il était, après tout, un habitant de la ville, lui aussi , plus qu’un autre peut-être, au fond, il était de la ville puisqu’il y survivait… d’elle, de ses secrets inquiétants, de ses ruelles imbriquées et obscures, il devait tout savoir… Il aurait dû lui demander comment… Mais si… si, au contraire, l’homme avait voulu l’égarer… Si c’était lui, sciemment, qui l’avait attiré là… ? 

Il regarda sa montre. Elle était arrêtée. Il avait dû oublier de la remonter, dans l’énervement de la journée. Quelle idée, aussi, avait eue Clotilde, de lui offrir cette montre coûteuse au mécanisme traditionnel, qu’il fallait remonter tous les jours… Est-ce qu’il n’aurait pas pu se contenter de la banale montre à quartz qu’il portait au poignet jusque-là ? Depuis combien de temps marchait-il ?

Clotilde… pauvre Clotilde… elle allait mourir de terreur s’il ne rentrait pas cette nuit. Mais comment la prévenir ? Pourquoi avait-il oublié son téléphone ? C’était insensé… un enchevêtrement de circonstances qui… 

Cela ne pouvait plus durer ! Il fallait que la situation revienne à… à la raison ! Il allait entrer dans le premier café venu, et là, après s’être réchauffé, il demanderait son chemin, ou bien il appellerait un taxi. Il devait bien y avoir encore des taxis en maraude dans la ville, malgré le verglas… on s’équipait, que diable, lorsqu’on était taxi… ce n’était pas un peu de rigueur hivernale, comme aurait dit Trémoille, qui… Il n’avait pas oublié son portefeuille, au moins, en partant. Il paierait, il paierait, n’importe quel prix. Il y avait certainement encore des cafés ouverts à minuit. Des bars de nuit. De ces lieux mal famés dont on s’écartait d’habitude. Ces commerces-là ne ferment jamais. Il entrerait. Il n’était pas bégueule.

Et puis, forcément, il allait finir par rencontrer des passants. Des gens à qui demander son chemin.

Mais il n’y avait autour de lui que ténèbres et brouillards. C’était comme un autre monde. Comme si la ville qu’il croyait connaître, la ville si familière, emplie de souvenirs, s’était changée en une autre ville, labyrinthique, glacée, hostile. 

Brusquement affolé, il cogna à une porte. Personne ne répondit. Tout resta sombre et silencieux. Il cogna à une autre porte. A une autre encore… Quelqu’un, au-dessus de lui, ouvrit un volet qui grinça. Il vit briller dans l’ombre le canon d’un fusil.

Il se calma d’un coup. On en était donc là…

Il se souvint d’une carte qu’il avait reçue, enfant, pour un anniversaire. C’était une de ces cartes animées qui présentent des vues différentes selon la façon dont on les incline. Lorsqu’on la penchait habilement, on voyait apparaître un chat blanc. Mais si on la penchait autrement, on voyait surgir un tigre de Sibérie. Deux images contraires sur la même carte… Le tigre l’inquiétait, mais il n’y avait rien à faire, dès qu’il cessait de s’appliquer à pencher convenablement la carte, le chat s’effaçait, et le tigre reparaissait… Et c’était le tigre qui apparaissait le plus souvent… le tigre qu’il redoutait et qui le fascinait.

La carte était habilement fabriquée. Il n’était jamais parvenu à en percer le mystère. Deux images qui se superposaient. Deux mondes qui se côtoyaient. Qui habitaient l’un dans l’autre, étroitement liés. 

Ne pas perdre la tête. Il devait être en train de perdre la tête. Ce froid… pourquoi n’avait-il pas pris de chapeau, en partant ? Il possédait un chapeau de feutre, un peu démodé, certes, mais qui aurait pu faire l’affaire… Il se souvenait de ce délégué russe, un jour, lors d’un voyage officiel, qui s’était étonné qu’il ne porte pas de chapka. Il lui avait dit : « Couvrir la tête. Cerveau n’aime pas le froid. » Il comprenait, maintenant. Cerveau. N’aime pas le froid. Il commençait à délirer. Tout simplement. Cette histoire de carte… ce fusil qu’il avait cru voir… cet homme qu’il avait cru heurter, ce n’était rien, que le froid qui s’emparait de son crâne… Il fallait prendre garde, remonter le col de la veste trop mince.. marcher, surtout, marcher, ne pas s’arrêter, ne pas laisser le froid prendre le dessus… comme Trémoille… non, pas comme Trémoille, que venait faire là Trémoille ? Le froid, le froid… Il délirait… il regarda sa montre… arrêtée. Pourquoi donc ? Il paraît qu’un bon marin peut se repérer grâce à sa montre… mais les étoiles… il n’y avait plus d’étoiles, rien que la brume, la nuit, le froid, les pavés glissants…

Soudain, il aperçut devant lui une baie vitrée toute éclairée Une boutique. Une boutique allumée, vivante. Il approcha péniblement, glissant toujours. C’était un café. Le seul qu’il eût rencontré jusqu’à présent. A l’intérieur, on voyait des gens jouer aux cartes, buvant et se disputant violemment. Il frappa au carreau. Devant la vitre il agita son portefeuille. Tout s’éteignit aussitôt. Il entendit tomber le rideau de fer. Il frappa encore sur le métal. 

Personne ne répondit. Il n’y avait plus rien devant lui qu’une vaste paroi glacée toute couverte de tags. Sur le métal ses doigts paraissaient se changer en morceaux de bois. Et le portefeuille dérisoire semblait se raidir sur les billets craquants de givre dont il était rempli.

Il avait dû rêver… ces lumières, ces cartes, ces gens… Pourquoi lui auraient-ils refusé l’entrée ? puisqu’il pouvait payer. 

Un véhicule soudain surgit du noir, ralentit, le frôla… il réussit à lire : « Samu social ». Et l’espoir fit palpiter son coeur… Le Samu social… Cela, au moins, était bien réel. Les camionnettes du Samu social ne circulent pas dans les rêves, et moins encore dans les cauchemars. Il était revenu en terrain connu… Enfin…!

—Ça va ? lui cria une fille en gilet fluorescent…

—Aidez-moi, je vous en prie… je suis monsieur Le…

—Vous avez mangé aujourd’hui ? Alors c’est bon… Désolée, on n’a plus de place en centre « grand froid ». On vient de nous appeler pour prévenir. Plus une seule. Pas la peine non plus d’appeler le 115. C’est saturé, ils ne répondent plus. On distribue des couvertures… tout ce qu’on peut faire pour l’instant… on vous en laisse une, vous en faites pas, vous vous en tirerez, on ne descendra qu’à moins 8… cherchez un endroit abrité pour passer la nuit…

Une couverture ? Un endroit abrité ? Plus de place… ce n’était pas possible. Pas possible. Il y avait cinquante-deux places, tout à l’heure ! il le savait parfaitement. On l’avait expliqué, tout à l’heure… en détail… cinquante-deux places, c’était amplement suffisant, avait assuré Trémoille… amplement suffisant… Qu’est-ce qu’elle racontait, cette idiote ?

— Cinquante-deux ! cria-t-il… cinquante-deux places… la commission Bric-Voland… d’ailleurs je connais madame… madame… je connais très bien… mais je ne demande pas… je voudrais seulement… s’il vous plaît…  je suis monsieur… monsieur Le… monsieur Lesieur…

Il hurlait, mais sa voix semblait se pétrifier dans sa gorge. La fille n’avait pas l’air d’entendre.

La camionnette redémarra, glissa sur le verglas, s’éloigna lentement.

Ses pieds… mon dieu… ses pieds… pourquoi était-il resté immobile à écouter cette fille ? Ses pieds étaient gelés. Evidemment, avec ces chaussures si minces qu’il portait… Ses pieds… était-ce possible, étaient-ils vraiment gelés ? Il ne parvenait plus qu’à peine à les soulever… Allait-on l’amputer, plus tard, lorsque la gangrène s’y mettrait ? Ce n’était peut-être qu’un engourdissement, un peu de fatigue… Au fond, ça lui était bien égal… si seulement il n’avait plus aussi froid… il recouvrit ses épaules de la couverture… elle lui parut lourde et glacée elle aussi. 

—Tu veux un coup de gnôle ?

Quelqu’un lui tapait sur l’épaule. Il sursauta.

— T’es sourdingue ou quoi ? J’ai dit : tu veux un coup de gnôle ?  A pas peur… J’en ai, de la gnôle, de la bonne… faut pas rester comme ça immobile dans le froid… on peut crever, figure-toi, un soir comme celui-ci. Crever, j’exagère pas. Y en a qui vont crever, ce soir. Prends un coup de gnôle… hésite-pas, va, prends, parce que et là, je vais te dire, t’es déjà en pothermie… tu t’en aperçois pas encore complètement mais t’es déjà en pothermie, ça se voit… j’ai l’habitude… c’est bien, la couverture, t’as bien fait de t’emballer là-dedans, mais c’est mince, et l’humidité traverse. Faut toujours penser d’abord aux journaux… On voit bien que t’es pas habitué. C’est dur, au début, quand on se retrouve à la rue, mais tu vas voir, tu t’y feras, bois un coup de gnôle d’abord, et après je vais t’expliquer comment que tu vas te mettre à l’abri du froid pour passer la nuit. Je dis pas pour avoir chaud, note-bien, je dis juste, passer la nuit… et c’est déjà pas mal, parce que cette nuit, je te le dis mon gars, y en a qui la passeront pas. Qu’est-ce qui t’est arrivé ? T’as perdu ton job et ta femme t’a mis dehors sans s’occuper de la trève hivernale ? ça arrive à des gens très bien… Regarde, moi, il a suffi que je fasse une erreur, une petite erreur, dans une addition… juste une erreur de rien… une virgule à peine visible… et je me suis retrouvé en prison… après ça, bien sûr… la vieille histoire… quand je suis sorti ma femme m’avait remplacé, a voulait plus de moi, la garce… T’as eu du pot de tomber sur moi, prends donc un coup de gnôle et on discutera.

Il parvint à saisir dans ses doigts gourds la bouteille toute tiède que l’autre lui tendait. But une gorgée. Son corps se réchauffa. Une autre gorgée… Son cerveau se débrouillait… s’embrouillait… se désembrouill… brouilli brouilla brouill… s’embrouill… il repensa à la carte… le tigre, le chat, le chat, le tigre… deux mondes. Deux villes. Deux vies. Deux faces. Deux cartes. Et comment retrouver son chemin si la carte ne penchait pas du bon côté dans les doigts gourds ? Il avait dû faire une erreur… une erreur… à un moment… à quel moment ?

—Bon, ça suffit la gnôle, faut s’en méfier même, c’est trompeur et trompeuse, la gnôle… maintenant, on va passer à l’emballage… Les journaux, je te dis… In-dis-pen-sa-bles les journaux. Personne pourrait survivre sans. T’as du pot, rien que du pot, je te dis, j’en ai justement un paquet de sec dans mon sac, un paquet de rab que j’avais gardé pour un pote… Prends tout, te sens pas gêné… Tu les fourres, surtout, bien épais, autour des poumons et du ventre… jamais à même la peau, ça gratte trop, ça irrite et ça réchauffe pas en plus… non, entre deux couches de vêtements, et bien serré, que ça fasse isolant… j’ai travaillé dans le bâtiment, dans le temps, je sais de quoi je parle. Et puis les pieds… parce que les pieds, ça gêle comme rien… tu t’y prends mal… Mets le papier d’abord sur la semelle, et puis au bout de la chaussure… que ça fasse une couche bien dense… jamais sur la peau, je te dis, jamais… t’aurais vite des maladies de l’irritation…

Et la tête… bon sang la tête : reste jamais comme ça la tête nue… le froid, faut savoir que ça tape sur le cerveau core plus que le soleil… et puis les oreilles, pense aux oreilles… c’est très délicat, les oreilles, mon grand-père se les était gelées pendant la guerre…  faut dire qu’elles étaient décollées, les oreilles de mon grand-père… ça avait fait rigoler tout le monde quand elles avaient gelé comme de vraies feuilles de chou… entoure-moi tout ça bien serré dans le journal… tiens, j’ai un bout de ficelle aussi, j’ai de tout dans mon sac, c’est ce qui faut pour tenir dans la rue… que ça fasse bonnet sur ta tronche… pense à couvrir le nez aussi… on y pense pas mais ça gêle vite, un nez… 

Bon…Y a du mieux. 

Maintenant tu va me suivre… rue du Coeur transi… tu connais pas… ? C’est dans le vieux carré Saint-Bienheuré… la cour des miracles, pour ainsi dire. Ouais, tu savais pas ? c’est là qu’on crèche, tous ensemble, comme dans le temps… On s’entasse tous là parce que c’est abrité du vent, que c’est au-dessus du métro qui souffle chaud, et qu’en plus y a une cave… Sous un immeuble abandonné muré. On a réussi à tordre les barreaux… du bon boulot bien fait, du travail de pro, de l’extérieur on se rend compte de rien… comme ça on craint pas le dérangement… C’est pas mal, là-dedans, tu vas voir. Un vrai château-miracle. On a des couvertures, des matelas… une bonne réserve de cartons, on va t’en passer, des cartons, t’inquiète, on va t’en passer, puisque t’es nouveau…

Ils étaient arrivés. La place était étroite, encaissée. 

Une dizaine de corps s’allongeaient béatement sur les bouches d’aération, dans un nuage de vapeur.

—Eux, c’est les aristos, les veinards, ceux qui s’approprient les bonnes places. Bien au chaud, ceux-là. Y savent jouer du couteau, même de la kalachnikov, je te dis que ça… essaie jamais de prendre leur place. Jamais, je te dis, jamais, à moins que tu tiennes plus à la vie…

Il sentit l’autre le pousser par une lucarne sale. Il chuta lourdement. Un corps, sous lui, se mit à hurler.

—Paix ! Momo, paix ! j’amène un pote ! un nouveau… faut être gentil…

Ils étaient des centaines. Trois cents. Quatre-cents. Cinq-cents peut-être. Ou mille. Serrés les uns contre les autres. Couchés en tas. Allongés sur des cartons, et recouverts de cartons. 

Toute une fosse commune de cartons…

Un camp !

Le chat, le tigre… il y avait dans la ville des vivants une ville des morts-vivants aussi vaste que la ville des vivants, il y avait un camp dans la ville de Trémoille, et même Trémoille ne le savait pas… Non… il ne pouvait pas dormir là. Le froid, le froid… c’était une telle souffrance… Il voulait partir… rentrer chez lui… dire qu’il aurait suffi de pencher la carte du bon côté, de tenir le carton comme il fallait… — Cinquante-deux  places, je voudrais t’y voir, Trémoille !

—Qu’est-ce que tu dis ? Te fatigue pas à ruminer. C’est toujours comme ça les nouveaux : des regrets, des je veux mourir, des si j’avais su, des bêtises. Faut se battre, ici, pas rembobiner des films. Survivre, ça se conjugue qu’au présent. De l’impératif. Prends plutôt des cartons. T’en mets une bonne épaisseur sur le sol… faut isoler, je te dis, isoler… Ensuite tu te couches bien serré contre moi, et tu te recouvres autant que tu peux avec ta couverture, et par-dessus le tout tu mets les cartons qui te restent… couvre toi entièrement de cartons… On est loin des bouches d’aération, ici, vu qu’on est arrivés les derniers… on a pas les bonnes places… Je suis pas de ceux qu’ont le droit d’arriver les premiers, qu’est-ce que tu veux ? Et toi moins encore… La hiérarchie, mon gars, y paraît que c’est la base des civilisations, la hiérarchie… Je sais pas, mais ici, on a des lois. Par exemple, essaie jamais de faire de feu, on t’abattrait… même pas pour fumer, c’est interdit strictement… Le feu, c’est tentant, mais c’est trop dangereux : uno on se ferait repérer, deusio on n’a pas assez d’air, nombreux comme on est, et obligés qu’on est de boucher presque entièrement la lucarne, troisio, on a trop de cartons, on rôtirait comme des cochons. Et on n’y tient pas. Alors on fait avec le froid. Et la chaleur humaine… Y a rien au monde de pluss important que la chaleur humaine, faut le savoir ça, c’est le pluss important à comprendre, si on veut tenir… Prends des cartons, je te dis, ça protège… et surtout serre-toi contre moi. Faut jamais rester seul, ici, par le froid. Et le reste du temps, pareil. Faut pas rester seul. Pourquoi que tu crois que je t’ai fait venir ? Il me manquait un pote pour me chauffer les pieds… ah, ah… ils m’ont pas encore vraiment accepté, ici… Alors faut que je me débrouille pour me trouver des potes ! Jamais seul, retiens ça. Seul, on peut pas tenir, ici. Faut se serrer les uns contre les autres. Se serrer les coudes, qu’on appelle ça.

—Allez, mon gars, tu t’habitueras tout comme moi, dors bien maintenant… Comment que tu t’appelles ?

—Monsieur Le…

—Ouais, le prénom, je voulais dire… ici on a qu’un prénom… et on n’est pas obligé de donner le vrai…

— Raymond..

— C’est pas fréquent dans le coin, de s’appeler Raymond, c’est pas du tout camphré, ah, ah… ! mais tu vas t’y faire… on t’appellera Momo comme tout le monde, hein, Momo ?

On entendit un vague ricanement provenant d’un tas de cartons tout proche.

— Je me demande juste si t’as pas mis les journaux un peu tard, tout à l’heure… tu m’as l’air mal en point… Tu les aurais bien enfilés un peu trop tard, ces satanés journaux… dommage que tu m’aies pas rencontré plus tôt… parce que pour les journaux, faut pas attendre, c’est ce que je dis toujours… t’as fait l’erreur d’attendre… et quand on commence à être en pothermie… Tu m’en voudras pas, j’espère, si je prends ton portefeuille en garde pour la nuit… parce que tu vois, on sait jamais… et j’aime pas faire les poches des… Bon, t’as fait une erreur pour la pothermie, c’est sûr, et puis, tu vois, mon gars, t’en as fait une autre d’erreur, mais comme on apprend tous les jours, je vais te dire : faut pas comme ça faire confiance à n’importe qui, non, faut pas mon gars… mais t’inquiète… maintenant t’as la chaleur humaine… et ça, ça vaut tous les portefeuilles du monde…

Une erreur… C’était sûr, il avait fait une erreur. Une erreur. Une série d’erreurs. Tant d’erreurs. 

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21 commentaires pour L’erreur

  1. fanatiques2numerique dit :

    Bouleversant.

  2. Pastelle dit :

    J’ai froid. Partout…
    Et je continue à être bluffée par votre talent.

  3. almanito dit :

    Nous lui ressemblons tous un peu, à ce monsieur Le…, avec nos négligences, nos petites certitudes, nos lâchetés accumulées, nos nobles idées jamais mises en application. 3000 euros pour 118 personnes, je parierais bien que son portefeuille contenait près du tiers de la somme: de l’argent de poche pour lui…

    • carolechollet dit :

      Ne l’accablons pas, car il s’agit tout autant d’un récit fantastique que d’un récit réaliste. Et après tout, il a « failli » se prononcer pour les « 118 places ».

  4. jill bill dit :

    Bonsoir Carole… Une expérience qu’il n’oubliera pas, se retrouver là avec les pauvres mecs, dehors, en hiver…. Lui Monsieur… enfin Momo !

  5. G.Policand dit :

    Encore une poignante histoire qui bouleverse les tripes.
    Juste le sort qu’on souhaite une nuit aux théoriciens du danger de l’assistanat.

  6. les cafards dit :

    un texte vsuperbe qui fait froid dans le dos. Et la réalité, notre réalité de temps de crise est parfaitement décrite.

  7. Quichottine dit :

    J’ai froid aussi…
    Mais j’ai de la chance, je vais pouvoir me mettre sous une couette…

    C’est un récit terrible.
    Mais tu devrais l’envoyer à un journal… qui sait ? Il ferait peut-être réfléchir…

    Merci, Carole.

  8. X dit :

    « une erreur. Une série d’erreurs. Tant d’erreurs. » Ça me semble un condensé de la vie. Mais le personnage, à la fin, n’est plus dans l’erreur, il est dans la réalité de ce dont beaucoup parlent sans savoir. Cette réalité-là vaut toutes les leçons.

    • carolechollet dit :

      Une dernière erreur cependant : avoir cru à la « chaleur humaine », alors que ceux qui lui offrent ce dernier réconfort vont le dépouiller.
      La lucidité ne permet pas de se « sauver », par ailleurs. Du moins je ne crois pas que cela suffise.
      C’était bien sûr un récit fantastique, mais peut-être ce fantastique est-il de l’ordre de l' »anticipation » : il me semble du moins que nous allons vers une société « de glace », et que, « dirigeants » ou mendiants, munis de bonnes intentions ou voués à la débrouillardise, nous participons tous, à notre façon, à cette « glaciation ».

  9. zadddie dit :

    Beau récit « fantastique » comme tu dis..l’ambiance que l’on ne connait pas, que l’on imagine juste, l’angoisse, le monde des bêtes « paix Momo paix « …et encore une chute remarquable : pas de pitié pour les faibles …on trouve toujours plus faible que soi.
    Néanmoins, était ce une erreur de se désolidariser du groupe des décideurs, comme le texte pourrait le laisser penser?

  10. Hamza dit :

    Pauvre homme. Eh oui, il arrive de rencontrer des gens vulnérables. Des gens qui n’ont pas réussi dans la vie et qui ont malgré eux choisi cette voie. Des gens que des circonstances ont obligé à commettre l’erreur. Cette erreur que Raymond n’a pas su apprécier. Des gens que la société a rejeté et qui n’ont pas trouvé de coeurs attentatifs. Je suis touché par cette histoire

  11. Tu es vraiment très douée pour le fantastique… Cela ne fait pas froid que dans le dos; on est transi !! Et je suis éblouie de tous les milieux que tu as fréquentés pour en parler avec tant de connaissance de cause. Mais oui, grave message pour l’aveuglement (éventuellement volontaire ?) de ceux qui gouvernent…

  12. flipperine dit :

    un article qui n’est pas fait pour nous réchauffer

  13. mansfield dit :

    Une erreur, je crois que notre époque vit dans l’erreur d’un monde trop divisé, trop disparate, et où l’on s’oublie, où l’on ne fait attention à l’autre que s’il peut apporter quelque chose…. Dommage, toutes ces bizarreries ont de quoi rendre fou, ce qui est très bien rendu par ton texte.

  14. aimedez dit :

    extraordinaire!

  15. Cardamone dit :

    Magistral! Terrible scène de comédie humaine du XXIéme siècle! Dès le début j’aime cette façon dont ton écriture semble toujours en dire plus, dont l’anecdotique se charge de profondeur – philosophique, psychologique, sociologique, politique…

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