Le radis

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« Nous irons tous au Paridis »

(Souvenir d’une affiche annonçant l’ouverture du centre commercial de mon quartier, en 1985)

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A peine un petit quart d’heure qu’il est là, à traîner dans les rayons. Mais rien à dire, il a déjà bien travaillé. Pas perdu son temps, c’t’aprèm. Il a commencé par pousser son chariot jusqu’au rayon chocolat. Il a fait semblant d’être intrigué par la composition des Chocs-chocs en promotion. Ingrédients : chocolat 30% (sucre, pâte de cacao, beurre de cacao, émulsifiant), léciti… Nez collé à l’emballage, glucides lipides gras saturés… Voilà, il a réussi à ouvrir le paquet sans faire crisser le papier. Tout en reposant le paquet, il a extrait les grains de chocolat, délicatement les a fait passer en chapelet, du paquet à sa poche. Un genre d’artiste, qu’il est… léger, léger… que ça poisse pas… qu’on aperçoive pas non plus le vide à l’intérieur du paquet,  au cas où le chef de rayon viendrait rôder par là… ou même un de ces vigiles en civil qu’ils vous mettent maintenant à faire les cent pas dans les allées et à tourner comme des caméras…  Reste plus après qu’à jouer le monsieur difficile… qui se méfie qui préfère ne pas… Trop de… trop de léci… trop de légi… trop !… et trop d’huile de… voilà, trop d’huile de palme… pas assez bio, ah mais ! Que je te laisse tout ça, que je m’éloigne dégoûté, côté lessives où c’est tranquille. Là, un coup d’oeil circulaire, tout avaler sur place, très vite, planqué derrière le Blanc-Azur super-promo. Le chocolat, il adore… il en rêve tous les jours, il peut jamais s’empêcher d’en cueillir un brin quand il entre à l’hyper. L’ennui c’est que ça tache. « Noir péché », le chocolat, comme dit la pub Chocs-chocs, faut s’activer faire vite… et bien lécher ses doigts, pas laisser de gras sur les vêtements. Parce que des fois, à la sortie… si on est, disons, interrogé… ah, même un artiste ils respectent pas, là-bas, faut le savoir, même un artiste… Mais est-ce qu’il en mangerait, sinon, du chocolat, hein ? Est-ce qu’on en donne, dans les « restos », du vrai chocolat ? Des nouilles et des pois chiches en boîte, c’est tout ce qu’on a à espérer. Tandis que l’hyper, c’est comme le paradis. Tout sous la main. Le meilleur sur chaque étagère, dans la lumière et en musique. Et tous les anges-vigiles montant la garde aux portiques d’entrée, pour impressionner tous ceux qu’arrivent ahuris du purgatoire ou bien de l’enfer… ouais, même de l’enfer, des fois…

Le pain, maintenant. C’est bon, le pain, quand on a encore dans la bouche le goût du chocolat. Ça lui rappelle quand il était petit… le quatre-heures, qu’on appelait ça. On se mettait en rang au Foyer… La mère Gabriel avec ses moustaches… qui vous tendait la tranche de pain comme une hostie, et vous fourguait d’un air dégoûté le carré de chocolat bon marché qui poissait… Déjà, il mangeait d’abord le chocolat… Mal partis, ceux qui mangent en premier le chocolat, qu’elle disait toujours, Gaby… Le rayon boulangerie, ça lui rappelle les quatre-heures, mais en mieux beaucoup mieux. Il va voir au comptoir, les belles boulangères en tablier blanc. Elles donnent toujours des petits morceaux de pains spéciaux, dans ces paniers d’osier semblables à des petits nids qu’elles posent sur le comptoir. Histoire que les clients goûtent, avant d’acheter. Il a une méthode, là… une méthode vraiment au point… Il goûte à tout sans se presser. Il prend l’air d’hésiter, goûte encore, re-goûte, réfléchit, goûte à nouveau… le monsieur difficile, c’est toujours un truc qui marche… puis il demande aux vendeuses un pain bien cher, au moins à deux-trois euros, un truc de luxe, quoi, aux graines de lin ou de sésame, un de ceux qu’on vous emballe dans du beau papier. Il dit merci et au revoir mesdemoiselles très poliment. Un monsieur difficile mais courtois, qui est-ce qui irait s’en méfier ? d’ailleurs toutes les femmes adorent qu’on leur dise « mademoiselle ».  Ensuite il n’y a plus qu’à s’en aller grignoter sans faire trop de miettes, au rayon du matériel de bébé, qu’est tout proche et qu’est fréquenté rien que par des femmes distraites. Se débarrasser du papier dentelle… le rouler en boule bien serrée, laisser tomber la boule sur une poussette en promotion, ou dans l’un de ces chariots encore vides que les femmes au ventre rond abandonnent derrière elles pour s’en aller rêver devant les petites layettes roses.

Aujourd’hui il a choisi un gros pain aux trois céréales et aux olives. A l’ancienne. Seulement il était trop salé… Il se demande, des fois si les filles de la boulangerie ne l’ont pas démasqué, au fond, depuis le temps… peut-être qu’elles lui gardent exprès leurs restes, et qu’elles gloussent un peu en le regardant s’éloigner… C’est des braves filles, sûr, à la boulangerie, mais un peu malicieuses… franchement, il était trop salé, leur pain, cette fois… et rassis, oui, il était rassis aussi sûrement… Mieux que rien, c’est sûr, mais pour faire passer ça il a pas eu le choix, il a fallu mettre le cap tout droit sur le rayon boissons. Mais le rayon boissons en vaut la peine… Et le travail y est tout à fait confortable… il y a sur l’arrière une cave à vins ombreuse… Il suffit de saisir une canette de bière au passage, de filer vers la cave à vins, de s’accroupir dans l’ombre, de siffler la canette, et de laisser la boîte vide à l’intérieur d’une de ces caisses de bois remplies de copeaux qu’on a préparées pour les clients du Beaujolais nouveau. Rien n’empêche de passer deux fois, d’ailleurs, ou même trois, les jours où il fait vraiment soif.

Bon, maintenant qu’il a plus faim plus soif plus rien, faut qu’il s’occupe des chaussettes. C’est pour ça qu’il est venu, en fait. Pour les chaussettes. Les petites douceurs, c’est bien, mais il est venu surtout pour les chaussettes. Parce que, question chaussures, pantalons et pulls, et même manteaux, ça va, il est fourni, il a le vestiaire de la rue Vincent-Riette. Mais ils donnent pas de chaussettes. Va savoir pourquoi. Ça coûte pourtant bonbon, les chaussettes, c’est vite usé et troué, et ça se trouve pas d’occase dans les fripes ou les vide-greniers. C’est pour ça que les pauvres gars comme lui sont obligés, ouais, obligés de se fournir en chaussettes par leurs propres moyens. Enfin, ceux qu’ont de l’élégance, du chic… Autrefois, il en décrochait des paires sur les fils à linge, dans les jardins… des chaussettes de nuit, toutes mouillées de lune, qu’il faisait sécher sur ses pieds pour se les laver… mais y a de moins en moins de jardins en ville, et de moins en moins de fils à linge dans les jardins qui restent… Si bien qu’il se fournit à l’hyper maintenant, comme tout le monde. Oh,  il abuse pas… c’est pas tous les mois, hein… il est pas à ce point délicat… et puis on se ferait repérer… mais il sait s’y prendre. C’est même assez marrant, les chaussettes. Il en bourre une paire dans ses poches, juste en passant… on frôle l’étalage… ça tombe tout seul… comme si ça descendait des nids… le paradis… Bon… il se choisit un blouson au rayon vêtements, un machin ouatiné, avec des grandes poches en dedans… et puis il se fait donner un ticket d’entrée pour le salon d’essayage… Ensuite, la petite pantomime… on s’assied sur le tabouret de plastique, hop, on enlève très vite les vieilles chaussettes épuisées, hop, on les fourre dans les poches intérieures du blouson, hop hop hop très vite, parce qu’après… ben après, ça va moins vite, faut mordiller couper mâchonner faire le rat avec les dents de devant, celles qui sont pas encore pourries… C’est qu’avant qu’elles arrivent au paradis, on les attache en enfer, avec du fil à plomb du purgatoire, ces diablesses de chaussettes, pour faire transpirer les pauvres gars qui s’assoient un moment dans les cabines d’essayage du paradis. Mais une fois qu’on a réussi à s’en tirer, à enfiler cette satanée paire de neuves, c’est le bonheur d’admirer ses chevilles toutes ravigotées dans le miroir double face. Il adore faire le beau avec ses pieds… des entrechats, des jetés… danser rien qu’avec ses pieds, il sait. Un artiste, quoi. Un qui fait des pieds comme il fait des mains. Un vrai prestiligi… enfin un artiste… Quand il repasse à l’accueil, il rend le blouson comme un gentleman, il dit qu’il est trop petit, trop léger, trop ceci, trop cela… dédaigneux… le gars qu’a bien mieux chez lui, qu’est habitué au luxe… la vendeuse pose sur un cintre le machin ouatiné avec ses poches à double fond. Elle ira le remettre en rayon plus tard. Ça laisse pas mal de temps. Le temps de finir les courses, en principe.

Souvent, il se dit que si on devait décerner des diplômes de débrouillardise, il serait au moins à bac plus 8… tellement il est malin. Une carrière dans la galère, ça vous compose un sacré C V… Un Curriculum Vidé, qu’il appelle ça, lui, parce que bien sûr y a que du vide dedans, mais ce vide-là, il a fallu le remplir de patience et d’astuce, et de bon courage aussi, pour tenir la ligne jusqu’au bout des pages… Sûr qu’avec toutes les qualités qu’il a développées, de discrétion, de rapidité, d’efficacité, de créativité, oui, de créativité… il pourrait être au moins… chef de rayon dans un hyper… ou même vigile, parfaitement, vigile, parce que pour faire vigile, faut au moins autant de qualités que pour faire voleur, vu qu’en fait faut connaître les mêmes trucs… vigile en costume, ange guerrier des allées, c’est ça qu’il aurait aimé, faire le vigile, au lieu de vivre à la cloche. Mais le destin, c’est ainsi, le destin vous poisse à la peau et vous flanque à la rue et vous dit reste là mon gars reste où on t’a dit… plus jamais t’iras voir ailleurs si tu y es, parce que moi le destin je t’ai cloué à ton petit tonneau de misères… tout juste si tu pourras faire des sauts de puce au paradis du coin, c’est comme ça mon Gégène, et tout malin que tu soyes t’y changeras pas grand chose, pas pour toi c’est la loi.

Bon… philosophe pas trop longtemps, mon gars, parce que, une fois passée l’étape des chaussettes, vaut quand même mieux se presser. Des fois que la vendeuse aurait le temps d’aller remettre le blouson en rayon un peu plus vite que d’habitude, ou des fois qu’elle aurait l’idée de rectifier un pli du tissu, ou que l’odeur l’incommoderait, et qu’elle tâterait les poches…

Filer aux fruits et légumes. Se hâter.

Cinq fruits et légumes par jour, qu’ils disent… comme si ça se pouvait, même en les volant, cinq par jour… Les fruits et légumes, c’est là que le travail est le plus dur, parce que y a du personnel, aux fruits et légumes… L’employé à la balance dont les yeux furètent partout dans le rayon. Et les gars qu’arrêtent pas de recharger les étals en poireaux et navets, avec leurs mains qu’écartent tous les curieux. Mais même aux fruits et légumes on peut s’en tirer quand on est malin. Bien sûr pas avec cinq fruits-légumes, mais avec deux-trois bien choisis. Et de l’astuce. D’abord, chiper un vrai chariot du paradis. Bien rempli, un qui traîne au rayon confitures par exemple, un chariot ras-bord rempli des bonnes choses sucrées qu’on achète quand on a un bon porte-monnaie. Le chariot ras-bord rempli de choses sucrées, c’est comme qui dirait un bouclier… un point important aux fruits et légumes, pour avoir l’air de faire partie de ceux qui paient. Parce que tout le monde sait que c’est cher, les fruits et légumes… Dire que dans les jardins du paradis y avait qu’à claquer des doigts comme un arbre, et les fruits roulaient tout doux sur leur beau tapis d’herbe, et les légumes passaient tout cuits dans les gamelles… Pourquoi donc qu’on les vend si cher, maintenant… on vend bien l’eau des sources, remarquez, on vend tout maintenant, tout…

Les fruits et légumes, c’est pas le rayon facile, c’est sûr, mais il va essayer tout de même. Parce que sinon faudrait attendre le jeudi, les restes du marché qui sont pas bien fameux… du pourri, du fripé, du mâchouillé, de l’écrabouillé… Alors qu’à l’hyper on peut même avoir de l’ananas frais, avec de la chance… c’est souvent que le gars qui sert à la coupe propose des tranches à déguster. On peut en prendre une, et puis revenir pour en grappiller une autre. C’est rare que le gars remarque, et s’il remarque, eh bien, il suffit de mettre un ananas entier dans le chariot bien rempli, un ananas du Costa Rica, par-dessus le miel et la confiture, ça paraît tout naturel.

Mais ce qu’il vise vraiment, aujourd’hui, c’est le raisin… surtout le muscat… En automne il essaie toujours d’avoir du muscat à l’hyper. Surtout que le raisin, c’est l’enfance de l’art… On fait semblant de rattacher ses lacets… sur le sol il y a toujours une quantité de grains tombés très beaux… on peut même s’arranger pour qu’il y en ait davantage, hein ?… le raisin, c’est si léger que ça s’abîme pas en tombant… on ramasse l’air de rien, on reste un moment en prière à nouer ses lacets imaginaires tout en avalant en vitesse… 

« La personne qui s’est trompée de caddy au rayon des biscottes et confitures est priée de le rapporter à l’accueil… la personne qui s’est trompée… »  Trompé, trompé… ils ont de ces mots dans les haut-parleurs… Le caddy emporté, c’est juste un échange. Pourquoi qu’on n’échangerait pas, des fois ? Le monde serait tellement meilleur, si les gens savaient échanger. « Tu prends ma place, je prends la tienne et nous voilà deux frères, pas vrai ? « 

En attendant, il va essayer de choper une pomme. Pour le plaisir, la pomme, parce que les pommes, après tout, ils en donnent assez souvent, aux restos du coeur… Mais attraper une pomme, c’est presque un sport… ça en demande, de l’habileté, d’attraper une pomme…. À la Guillaume Tell, les pommes… Faut viser l’un des fruits du haut, l’un de ceux qui trônent au sommet de leur pyramide… paf, le renverser comme une boule, du plat de la main, l’air de pas le faire exprès d’être aussi maladroit. Et voilà la pomme qui dégringole, et qui roule, et qui roule… jolie maligne, comme au paradis… C’est là, bien sûr, qu’il faut de l’expérience, pour la bloquer du pied et la coincer sous la roue du chariot. Ensuite, suffit de faire attention à la pousser toujours, et à bien diriger le chariot pour qu’elle reste dans la roue, docile, jusqu’à ce qu’on ait pu l’entraîner dans un coin discret pour la déguster. Tout un art, chiper une belle Golden…

Mais en attendant le dessert de pomme, ce qu’il aimerait, c’est un radis. Un beau, un frais, un tentateur. Un de ces gros radis rouges en bottes étalés comme des bouquets avec toutes leurs feuilles vertes en catogan. Il a toujours adoré les radis rouges. Il s’approche de l’étal. D’un coup sec, casse une tige et referme la main. Faire semblant de se gratter le menton, et hop, enfourner le radis. Mâcher sans remuer les mâchoires. Rêver qu’on l’avale avec du bon beurre. Un petit radis du paradis… une lichette de beurre salé… un grain de poivre sous la dent. Il aime bien que ça pique.

De nouveau, il tend la main, d’un coup sec casse une tige, referme la main, fait semblant de se gratter le menton… ni vu ni connu… et… et voilà qu’au moment de refermer la bouche un regard vient rencontrer le sien. D’habitude les gens baissent les yeux quand ils le voient faire, ou alors ils dardent sur lui des prunelles réprobatrices d’honnêtes gens, qui ont l’air de chercher déjà, au-delà de lui, la silhouette d’un vigile, d’un employé quelconque, de Dieu le père en personne.

Non. Le regard qui a rencontré le sien est seulement grave et attentif. C’est le regard d’un enfant, une petite fille en robe de poupée rose qui attend sa mère, devant les choux pommés. L’enfant a de grands yeux sérieux, dans lesquels on ne lit ni pitié ni mépris, rien que l’étonnement de ceux qui découvrent le monde. Tandis qu’il croque le radis, presque sans remuer les lèvres, selon la technique habituelle, et qu’il le déglutit sans bruit, avec la discrète efficience que donne une longue expérience, l’enfant ne détourne pas un instant ses yeux étonnés. Il faudrait s’en aller, au moins dérober son visage. L’enfant pourrait donner l’alerte… Mais ce qu’il voit dans ce regard vaste et naïf, dans la franchise de ce regard d’enfant, ce qu’il voit il ne l’a jamais vraiment vu – un homme déjà vieux et pas bien propre, aux cheveux gris clairsemés, appuyé sur un caddy de ménagère – un homme efflanqué, affamé, aux gestes fatigués, aux joues ridées, qui mange en se cachant le radis même pas frais qu’il vient de chiper sur une botte défraîchie.

Alors, comme il ne veut pas, lui qui a toujours été malin, débrouillard, courageux, comme il ne veut surtout pas le voir plus longtemps, cet étranger, ce misérable, cet importun, il plonge une troisième fois la main dans l’étal, choisit la plus belle botte, s’empare en amateur d’un radis gros et rouge comme un nez de clown, le jette en l’air et le rattrape, le pose sur sa bouche comme un petit ballon, pchitt psss… jongle à nouveau, gonfle les mâchoires, et mastique à grand bruit crrric crrrac, pour amuser l’enfant qui se met à rire. Puis il avale d’un coup la petite boule rouge. Blop blup, l’enfant bat des mains. Une lichette de beurre frais. Le petit grain de poivre.

Et c’est bon comme au cirque quand le clown rit aussi. 

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20 commentaires pour Le radis

  1. jill bill dit :

    Je n’ose dire c’est du vécu Carole ? Il y a voleur et voleur dans ces endroits remplis de tout, ce vieux monsieur est du genre chapardeur que je ne dénoncerais pas… et cette petite fille le genre à qui on a appris à ne pas « consommer » au magasin sans payer !! Il a bien réagi le pauvre bougre ma foi…. ,-)

  2. almanito dit :

    Il me plaît bien ton amateur de radis qui ne donne jamais dans le pathos mais prend la vie avec un recul très sain et beaucoup de logique.
    Il montre aussi le fossé qui existe entre ceux soucieux de leur hygiène alimentaire et les autres, comme lui, dont la préoccupation première est juste de manger.Dérisoires inquiétudes du monde des biens nourris qu’il utilise habilement, juste retour des choses.
    Ce terrible décalage est souligné d’un humour plein de dérision, on pense un peu au clown triste à la fin, et d’une philosophie tout à fait réjouissante.

    • carolechollet dit :

      Ma référence était bien sûr Charlot… Mais je l’ai réinterprété à partir de quelques « figures » rencontrées dans mon supermarché au fil du temps. C’est toujours intéressant, les supermarchés, pour l’observation des différentes « tribus » humaines, et, comme tu le soulignes, entre ceux qui sont bien nourris et les misérables qui s’y croisent sans se voir, il y a un abîme.

  3. Dis, c’est un vrai mode d’emploi, bien complet, bien détaillé ! je cours au supermarché (d’ailleurs j’ai besoin de changer de chaussures … : Merci !)

    • carolechollet dit :

      Hum… Attention, j’ai oublié de préciser qu’à la fin, il se faisait prendre !
      Et puis des chaussures, aïe… mon personnage n’est qu’un petit « graveleur », qui ne se sert qu’en marchandises très très modestes, le total ne doit pas dépasser dix euros, je pense, à la fin du récit (du chocolat, un pain de rebut, une paire de chaussettes et deux radis).

  4. Aloysia dit :

    Toujours aussi finement raconté, de surprise en surprise… Ce n’est jamais qu’une description après tout, une petite saynète prise sur le vif, mais elle a la saveur – en plus « moderne  » ce qui pour moi est un compliment, en ce qui concerne le style ! – des « Caractères » de La Bruyère…
    – Ah oui, j’aurais été surprise qu’il ne soit pas « pris » ! Mais c’est mieux que tu ne l’aies pas dit, et termines sur la petite fille, c’est génial !

    • carolechollet dit :

      J’ai écrit dans un commentaire qu’il allait « se faire prendre », mais n’oublions pas que c’est un personnage de fiction, et qu’on peut donc tout à fait imaginer une autre fin !
      Mais terminer sur la petite fille, c’était mieux, forcément. Merci, Aloysia. A bientôt.

  5. flipperine dit :

    et bien il a du cran ce monsieur, c’est un vieux radin sans doute

  6. Vrai mode d’emploi, oui …

    Aujourd’hui, ce n’est pas un commentaire laudatif que je vous adresserai Carole, mais une simple question : qu’est-ce que le « vestiaire de la rue Vincent-Riette » ?
    D’après le sens de certains passages de votre texte, j’opterais pour une association caritative …

    Mais … ???

    • carolechollet dit :

      Oui, bien sûr, le vestiaire de la Croix-Rouge, par exemple.
      Quant au mode d’emploi… ne pas le prendre plus au sérieux qu’un sketch, évidemment. Il y faudrait l’agilité d’un Chaplin ou d’un Dario Fo ! C’est très fantaisiste malgré les détails qui « font vrai », et je ne pense pas que la morale soit gravement mise à mal (enfin pas plus que dans n’importe quel sketch), même si j’ai observé en effet avec amusement, au long des années, une multitude de petites scènes de ce style dans mon hypermarché dont la clientèle est très très « peuple », mais qui s’appelle « Paridis » (ça ne s’invente pas, et je ne l’ai pas inventé).
      Pourtant… réflexion faite, cela me flatte au fond que vous trouviez mon « Gègène » (pour deviner à qui il faut penser, suivez le tonneau…) réaliste et choquant… si on peut « croire » au personnage, et le juger en fonction de critères « moraux », alors c’est que le récit fonctionne, non ?
      Mais… je vois que vous vous apprêtez à alerter le vigile de service ! Aïe, que va-t-il m’arriver la prochaine fois que j’irai faire mes courses ? La fiction, c’est magique, puisque cela crée du réel qui n’existe pas, mais peut-être aussi que ce réel se met à exister pour de bon, une fois créé ? Vaste question (que j’ai déjà abordée dans un autre récit).

      • Bien évidemment que cela fonctionne !!

        Mais permettez-moi de revenir à ma question, à laquelle je n’ai pas la réponse complète souhaitée : qui est Vincent Riette ??

      • carolechollet dit :

        Si Vincent Riette existe, je ne le connais pas… C’est un nom que j’ai inventé, à partir du nom de famille Riette qui se rencontre dans le pays nantais et que je trouvais ici très évocateur par rapport à mon personnage d’affamé (ça se prononce Rillette).

  7. Quichottine dit :

    J’adore la fin de ton texte, même si j’ai été très émue par l’ensemble, je n’ai pas eu envie qu’il se fasse prendre.

    Il a vraiment été pris ?

    • carolechollet dit :

      Aucune idée : c’est un sketch, une petite séquence de film muet. Mais j’aime bien qu’on croie que c’est vrai. Si je me fie aux divers commentaires, on dirait qu’ici, ça « fonctionne ».

  8. fanatiques2numerique dit :

    Quel plaisir. J’aime ce bonhomme. La fin, le clown, j’adore.
    Et toujours de petites perles « Un Curriculum Vidé, qu’il appelle ça, lui, parce que bien sûr y a que du vide dedans,  » et beaucoup de nostalgie.
    Le quatre heures. Nostalgie, souvenir, du bout de pain et du bâton de chocolat noir.
    Merci pour ce bon moment

  9. G.Policand dit :

    Excellent!…Mais désolant que des êtres humains soient encore obligés de voler pour se nourrir.
    Tu as le don de rendre apparent ce que la société voudrait…caché.

    • carolechollet dit :

      Pas tout à fait pour se nourrir (il a les « restos du coeur », heureusement), mais pour compléter un petit ordinaire très insuffisant. Mais c’est déjà triste, même si le personnage refuse de s’affliger. Je trouve que cette misère cachée commence à se voir beaucoup, un peu partout.

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